TP 13029
- Introduction
- la lutte contre le péril aviaire aux aéroports
- Démarche de l’étude
- Produits et techniques de lutte contre le péril aviaire
- Modification de l’habitat
- Dispositifs d’effarouchement auditifs
- Répulsifs visuels
- Répulsifs chimiques
- Méthodes d'exclusion
- Méthodes d’élimination
- Autres produits et techniques
- Sommaire et recommandations
- études recommandées à l’avenir
- Remerciements
- Bibliographie
La modification de l’habitat est une stratégie appliquée par de très nombreux aéroports et bases aériennes dans le monde (U.S. Fish and Wildlife Service 1979, 1984; Transports Canada 1984; Searing et coll. 1996; John Floyd, U.S.D.A., Wildlife Services, comm. pers.). Modifier l’habitat, c’est éliminer et/ou transformer certaines de ses caractéristiques. Mentionnons, par exemple, l’émondage ou la coupe d’arbres et d’arbustes; l’élimination des eaux stagnantes (étangs et mares); la remise en végétation des zones dénudées avec des espèces végétales qui atteignent une hauteur suffisante pour empêcher les oiseaux qui recherchent la sécurité sans abri, comme les goélands et les mouettes, d’y nicher; la culture de plantes peu attirantes pour les oiseaux nuisibles, et le maintien de l’herbe à une hauteur suffisante. D’autres techniques visent les bâtiments de l’aéroport pouvant offrir des lieux de nidification et des dortoirs aux oiseaux, ainsi que l’enlèvement des éléments pouvant servir de perchoirs. Les mesures de modification de l’habitat doivent viser non seulement l’aéroport comme tel mais aussi les zones environnantes. Le manuel de Transports Canada (1994) fait un survol complet de la question. Les produits et techniques conçus pour interdire aux oiseaux l’accès à des facteurs attractifs, comme la pose de filets et de câbles, sont abordés plus loin, dans la section « Méthodes d’exclusion ». Sous le titre « Répulsifs chimiques » sont présentés les produits chimiques qui s’attaquent aux sources d’alimentation des oiseaux, comme les vers de terre. Certaines interventions transforment donc l’habitat des espèces-proies, plutôt que d’agir sur le milieu immédiat des oiseaux. L’efficacité de la politique d’herbe haute sur les aéroports a été l’objet de plusieurs études.
Description - Aux aéroports, les bandes le long des pistes doivent être couvertes d’un gazon coupé assez court pour assurer aux pilotes une bonne visibilité des feux et des panneaux indicateurs. Mais il n’est pas rare de trouver, sur de nombreux aérodromes, d’autres zones d’herbe courte, loin des pistes et sur les entrepistes. Mais le fait de laisser l’herbe pousser a pour effet de diminuer la présence dans ces zones d’un grand nombre d’espèces, en particulier certaines des plus dangereuses pour la sécurité aérienne (les goélands et les mouettes, p. ex.). Par « haute », on entend généralement une herbe d’au moins 15 à 20 cm; une herbe « basse » désigne généralement une herbe de moins de 10 cm.
Fondement biologique - L’herbe haute semble efficace du fait qu’elle empêche certains oiseaux d’avoir accès à la nourriture que constituent, par exemple, les invertébrés qui vivent dans le sol. De plus, elle obstrue leur visibilité et les met à la merci des prédateurs, créant une zone peu sûre pour les déplacements ou la recherche de nourriture. Mais d’autres espèces d’oiseaux sont bien adaptées à l’herbe haute, tandis que l’herbe très haute peut attirer les rongeurs et les rapaces qui s’en nourrissent (Wright 1968).
Résultats de recherches - Brough et Bridgman (1980) ont comparé la présence de goélands et de mouettes sur des parcelles couvertes d’herbe haute (15 à 20 cm) et d’herbe basse (5 à 10 cm), aménagées sur 13 aérodromes du Royaume-Uni. Ils ont constaté que l’herbe haute était très efficace pour réduire le nombre des oiseaux, en particulier les goélands et les mouettes. À l’aéroport de Copenhague, Dahl (1984) a noté qu’une herbe de « hauteur moyenne » (environ 20 cm) était beaucoup plus efficace pour restreindre la présence de goélands et de mouettes que l’herbe haute ou l’herbe basse. L’auteur n’a cependant pas défini ce qu’il entend par herbe « haute » et « basse », et le document cité ne comporte pas de données détaillées. La « politique d’herbe haute » appliquée par les stations de la RAF accueillant des aéronefs à voilure fixe, laquelle exige que l’herbe soit coupée à une longueur de 18 à 20 cm pendant la plus grande partie de l’année, s’est révélée efficace pour réduire le nombre d’impacts d’oiseaux (Deacon 1996). Hupf et Floyd (1995) ont également constaté l’efficacité d’une politique d’herbe haute dans la réduction des populations d’espèces dangereuses sur les aéroports (bernaches du Canada, étourneaux, mouettes atricilles). Pour ces chercheurs, l’herbe « haute » mesurait plus de 35 cm (14 po), soit de 56 à 61 cm (22 à 24 po) en moyenne. Des cinq espèces qui comptent pour 85 % des impacts d’oiseaux à l’aéroport MacDonald-Cartier d’Ottawa, quatre (le goéland à bec cerclé, le bruant des neiges, l’hirondelle et le pigeon biset) se sont montrées davantage attirées par l’herbe basse (de 5 à 10 cm) que par l’herbe haute (de 15 à 20 cm) (Potter 1996). À l’aéroport international de Vancouver, l’herbe très haute (jusqu’à 75 cm) s’est révélée efficace pour éloigner les oies et les canards; seuls les grands hérons fréquentaient ces zones d’herbe très haute (Dave Ball, Aéroport international de Vancouver, comm. pers.). Dolbeer et Seamans (1997) ont pour leur part étudié la réaction de la bernache du Canada à l’herbe basse (5 à 10 cm) et à l’herbe haute (16 à 20 cm) lors d’un essai mené dans une enceinte extérieure. Fait intéressant, les bernaches ont manifesté une préférence pour les zones d’herbe haute.
Les goélands et les mouettes, une menace à la sécurité des aéronefs à de nombreux aéroports, passent une grande partie de leur journée à se reposer, à se lisser les plumes et à dormir. Ces oiseaux choisissent à cette fin des terrains plats, sans trop de végétation pouvant les empêcher de détecter l’arrivée de prédateurs. De nombreuses zones de repos, mais pas toutes, comportent des eaux stagnantes. Il est donc possible de diminuer l’attrait de ces zones en asséchant les plans d’eau et en recouvrant de végétation les aires dénudées. Une étude récente réalisée dans la région de Tampa Bay (Patton 1988) a mis en lumière l’importance des zones de repos pour les goélands et les mouettes. Une importante décharge, que fréquentaient jusqu’à 60 000 goélands et mouettes, a été mise hors service. Au cours de l’hiver suivant, les oiseaux se sont dispersés vers cinq des six décharges exploitées dans les environs. À la sixième décharge, le nombre d’oiseaux a diminué au lieu d’augmenter. On a associé cette diminution au fait qu’un habitat propice au repos, situé à proximité de la décharge, avait été détruit (Patton 1988). Ainsi, les oiseaux bouderont d’importantes sources de nourriture s’ils ne trouvent pas à proximité une zone de repos convenable. Stout et Schwab (1979) ont également mis au jour un lien direct entre la fréquentation d’une base aérienne par des goélands et des mouettes et leur fréquentation de deux décharges avoisinantes pour se nourrir. Une recherche de grande envergure, étalée sur plusieurs années, a présentement lieu à l’aéroport international O’Hare de Chicago. Elle porte sur la fréquentation par les oiseaux de terrains de grande superficie (20 à 50 acres) couverts d’herbe de différentes hauteurs. Aucun des résultats de cette étude n’a encore été divulgué (R. Sliwinski, U.S.D.A., Wildlife Services, comm. pers.).
Une solution de rechange à la « politique d’herbe haute » a été étudiée. Dekker et Zee (1996) ont éprouvé l’efficacité d’un « régime pauvre en graminées », soit d’une communauté végétale comportant davantage de fleurs sauvages que de graminées, comme en produisent couramment les sols peu fertiles. Au terme d’une expérience d’une durée de cinq ans réalisée à deux aéroports des Pays-Bas, Dekker et Zee ont constaté que les populations d’oiseaux dans les zones pauvres en graminées étaient aussi faibles ou plus faibles que dans les zones à herbe haute. De plus, les espèces qui choisissaient ce type d’habitat étaient relativement petites, présentant donc un risque moindre d’impact causant des dégâts (p. 303). La végétation « pauvre en graminées » semble donc réaliser les mêmes fonctions structurales que l’herbe haute (c.-à-d. empêcher l’accès à la nourriture et la détection de prédateurs en train de s’approcher), tout en attirant moins de petits mammifères et d’invertébrés, parce que cette communauté végétale se contente de peu de nutriments. Il y a donc moins de nourriture pour les oiseaux. La mise en oeuvre de cette méthode suppose une expertise en botanique.
Certaines mesures prises dans le but de modifier l’habitat, comme le labourage et la coupe de l’herbe, peuvent attirer de grands nombres d’oiseaux à court terme, en leur facilitant l’accès à la nourriture (p. ex., les vers de terre et autres invertébrés pour les goélands et les mouettes, les rongeurs pour les chouettes, les goélands et les mouettes). Potter (1996) a suggéré d’attendre le soir ou la nuit pour couper l’herbe, de façon à attirer le moins possible les oiseaux, mais il n’a pas mis à l’essai cette stratégie. Le fauchage de nuit s’est révélé efficace lors d’un essai mené à l’aéroport international de Vancouver (D. Ball, YVRAA, comm. pers.).
évaluation - L’« herbe haute », ou un type ou l’autre de végétation haute, se sont révélés efficaces pour réduire la fréquentation des aérodromes par plusieurs des espèces d’oiseaux les plus dangereuses pour la sécurité aérienne, sinon toutes (goélands et mouettes, oiseaux aquatiques, pigeons bisets, étourneaux, bruants des neiges). Il est vrai, toutefois, que les habitats d’herbe haute attirent certaines autres espèces indésirables, comme les chouettes et les hiboux.
Recommandation - Une stratégie d’herbe et/ou de végétation haute est à recommander. Il faut toutefois qu’une surveillance soit exercée pour veiller à ne pas créer une menace plus grande en attirant des espèces d’oiseaux adaptés aux habitats d’« herbe haute ». Aussi, le « régime pauvre en graminées » étudié par Dekker et Zee (1996) s’avère prometteur.
Documents recensés - Brough et Bridgman 1980; Dahl 1984; Deacon 1996; Dekker et Zee 1996; Dolbeer et Seamans 1997; Garber 1996; Hupf et Floyd 1995; Patton 1988; Potter 1996; Stout et Schwab 1979; Transports Canada 1984; Wright 1968; U.S. Fish and Wildlife Service 1979, 1984.