Apprendre des autres: Etude internationale sur l'utilisation de limiteurs de vitesse sur les camions lourds

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Résumé

En 2006, l'Alliance canadienne du camionnage (ACC) a appelé les gouvernements fédéral et provinciaux à rendre obligatoire l'activation de limiteurs de vitesse électroniques sur tous les camions lourds circulant au Canada à une vitesse 105 km/h ou moins. Un document de travail préparé en guise d'évaluation préliminaire des limiteurs de vitesse a démontré les avantages possibles pour l'environnement découlant d'une consommation de carburant réduite et les avantages possibles pour la sécurité routière liées au ralentissement des camions lourds.

La proposition de l'ACC a par la suite été discutée au Conseil des sous-ministres responsables des transports et de la sécurité routière (CSMTSR). Les sous-ministres ont noté qu'une analyse plus poussée était nécessaire à une meilleure compréhension des implications d'un limiteur de vitesse obligatoire, en particulier les répercussions possibles sur la sécurité routière et les petites entreprises. Les sous-ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux ont convenu de travailler ensemble à évaluer les points en suspens et Transports Canada a offert de diriger les travaux.

Au nom des provinces et des territoires, Transports Canada a effectué un certain nombre d'études visant à examiner la faisabilité d'un usage obligatoire des limiteurs de vitesse. Ces études comprenaient une modélisation de la circulation dans le but de mieux comprendre les répercussions sur la sécurité reliées aux vitesses différentielles des automobiles et des camions sur les routes, la quantification des avantages environnementaux découlant des économies en carburant et des émissions de gaz à effet de serre (GES) réduites, et une évaluation des conséquences sur le commerce et la compétitivité dans le contexte tant canadien que nord-américain. Le présent rapport, qui évalue la situation dans d'autres pays où des limiteurs de vitesse ont été imposés, fait partie des travaux effectués par Transports Canada.

L'évaluation vise à mettre par écrit l'expérience de trois pays retenus, qui ont rendu les limiteurs de vitesse pour véhicules lourds obligatoires il y a plus de dix ans, et à établir des parallèles avec le contexte canadien, soulignant les enjeux, les préoccupations et les pratiques exemplaires susceptibles d'informer les décisions stratégiques relativement à l'usage obligatoire des limiteurs de vitesse au Canada.

Au moment de la préparation du présent rapport, 33 pays avaient adopté une loi imposant l'usage de limiteurs de vitesse aux véhicules lourds. La plupart de ces pays, comme le Royaume-Uni et la Suède, sont membres de l'Union européenne et sont tenus de mettre en oeuvre la législation de la Commission européenne, comme les directives relatives aux limiteurs de vitesse. Les autres pays ayant adopté des lois exigeant l'usage de limiteurs de vitesse incluent le Japon, la Zambie et, plus récemment, l'Inde, qui met en oeuvre un règlement sur les limiteurs de vitesse pour l'État de Karnataka et envisage l'application d'une politique nationale en la matière. Voir l'annexe B pour une liste des pays connus où les limiteurs de vitesse sont obligatoires et les détails de leur législation.

L'Australie, la Suède et le Royaume-Uni ont été choisis pour l'évaluation. La législation sur les limiteurs de vitesse, l'approche de conformité, les méthodes/régime d'application de la loi, les mesures de l'efficacité et les vues des parties prenantes en matière de transport routier ont été documentés pour chaque pays retenu.

Les principales conclusions du rapport sont les suivantes :

Évaluation des limiteurs de vitesse

La Commission européenne et l'Australie ont mis en oeuvre une législation sur les limiteurs de vitesse basée sur les préoccupations relatives à la sécurité routière en raison d'une incidence élevée des accidents impliquant des camions lourds et, pour la CE, sur les préoccupations relatives aux répercussions environnementales des émissions de carburant causées par la vitesse élevée des véhicules lourds. Dans les deux cas, aucune recherche ni aucune étude empirique n'ont été effectuées avant la promulgation de la législation pour justifier la mise en oeuvre de l'usage obligatoire des limiteurs de vitesse.

Dix ans plus tard, aucune étude empirique n'a été effectuée dans aucun des pays retenus pour faire un lien direct entre l'utilisation des limiteurs de vitesse et les améliorations de la sécurité routière. En outre, il y a un manque de recherche sur les répercussions des vitesses différentielles des camions et des automobiles sur la sécurité à la suite de l'usage de limiteurs de vitesse par les camions. Par conséquent, il est difficile de prévoir les répercussions sur la sécurité routière que pourrait avoir l'imposition de limiteurs de vitesse au Canada.

Avantages de la législation sur les limiteurs de vitesse

Les limiteurs de vitesse sont généralement considérés comme ayant une incidence positive sur la sécurité routière et ont contribué à une diminution des accidents impliquant les véhicules lourds. Au R.-U., par exemple, les accidents de véhicule lourd ont chuté de 26 % depuis l'adoption de la loi sur les limiteurs de vitesse en 1992.

Parmi les avantages positifs de l'adoption de la législation sur les limiteurs de vitesse, on note que la consommation de carburant est moindre (de 3 % à 11 %), les coûts d'entretien sont moins élevés (pneus, freins, moteur) et les primes d'assurance sont réduites, selon une évaluation effectuée par la Commission européenne.

Les défis posés par la législation

Certaines préoccupations relatives à la sécurité routière à la suite de l'imposition de limiteurs de vitesse ont été notées par les responsables du R.-U. et de la Suède, en particulier le problème des camions à vitesse limitée qui se dépassent les uns les autres sur les routes à chaussées séparées, causant des bouchons de circulation. Les autres problèmes de sécurité routière relevés au R.-U. incluent le blocage des rampes d'accès et de sortie des autoroutes par les convois de camions. En vertu de la loi du R.-U., tous les camions à vitesse limitée sont relégués aux voies intérieures sur les autoroutes à trois voies ou plus.

Les questions de conformité et d'application de la loi sont centrées sur le grand nombre d'altérations des limiteurs de vitesse, les problèmes avec l'équipement d'essai et le manque de personnel d'application de la loi pour vérifier la conformité des limiteurs de vitesse. Tous les pays retenus ont indiqué que l'altération des limiteurs de vitesse constituait un défi à l'efficacité et à la pertinence de la législation sur les limiteurs de vitesse. Les chauffeurs altèrent leur limiteur de vitesse pour augmenter la vitesse maximale de leur véhicule afin d'être avantagé sur le plan de la concurrence. En Australie, par exemple, on estime que de 10 % à 30 % des véhicules lourds ont des limiteurs de vitesse altérés. Les deux autres pays, le R.-U. et la Suède, concèdent que l'altération des limiteurs de vitesse est un problème, mais n'ont pas encore tenu de statistiques sur la conformité des limiteurs de vitesse.

Trouver de l'équipement de vérification de la conformité en vue de contrôler les réglages des limiteurs de vitesse pose un défi, en particulier pour les États membres de l'Union européenne. Le type de dispositif d'essai utilisé tant en Suède qu'au R.-U., qui a accès au réglage du limiteur de vitesse par l'entremise d'un tachygraphe analogique, deviendra bientôt désuet lorsque les camions seront équipés de tachygraphes numériques, lesquels sont maintenant exigés par la législation européenne (pour tous les nouveaux camions immatriculés en 2006). Aucun nouveau dispositif n'a été trouvé pour remplacer l'ancien.

La nécessité d'avoir suffisamment de personnel d'application de la loi pour vérifier la conformité des limiteurs de vitesse est une des constatations clés du présent rapport. Par exemple, en Suède, seulement 200 agents sont spécialisés dans l'application de la législation touchant les véhicules lourds et effectuent des inspections routières pour vérifier la conformité aux normes de sécurité, comme les limiteurs de vitesse. Le nombre d'agents spécialisés dans les véhicules lourds est également peu élevé en Australie et au R.-U. L'importance de disposer d'un personnel d'application de la loi suffisant pour vérifier la conformité a également été mentionnée par les parties prenantes dans le rapport de la CE analysant l'efficacité de l'imposition des limiteurs de vitesse.

Pratiques exemplaires et nouvelles technologies

L'élaboration d'une approche nationale en matière de réglementation de la conformité des limiteurs de vitesse, dans le but d'assurer une application cohérente de la politique, est vue comme un élément clé du succès. L'Australie, par exemple, a fait de grands efforts pour élaborer des politiques nationales visant à combattre des problèmes comme le recours accéléré, par les véhicules lourds, aux dispositions de chaîne de responsabilité innovatrices. Les responsables suédois ont également indiqué l'importance d'une approche cohérente en matière de conformité des limiteurs de vitesse.

Du point de vue de la conformité et des stratégies d'application de la loi, les responsables des services de police en Australie et au R.-U. ont embrassé les avantages de l'utilisation de techniques de collecte des services de renseignements pour cibler les chauffeurs/exploitants à risque élevé, dans le cadre des inspections routières. Ces responsables croient qu'il s'agit d'une méthode extrêmement efficace résultant dans le retrait de la route d'un nombre important de contrevenants pour non-conformité du limiteur de vitesse.

Les pays retenus pour l'étude continuent à explorer d'autres programmes et technologies comme moyen de composer avec les questions de conformité aux limites de vitesse des véhicules lourds. La technologie d'adaptation intelligente de la vitesse (ISA) a été mise à l'essai en Australie, en Suède et au R.-U. à titre de solution de remplacement plus avancée aux simples dispositifs de régulation de la vitesse comme les limiteurs de vitesse. Aucun des pays étudiés n'a adopté de loi sur l'utilisation des systèmes ISA dans un type de véhicules ou un autre pour le moment. Par ailleurs, les régimes d'agrément en Australie, qui exigent que les participants fassent la démonstration de pratiques commerciales sûres en échange de concessions réglementaires, se sont montrés efficaces pour réduire les taux d'accident des exploitants participants.