Rapports de difficultés en service et Aviation générale

par Shawn Gauthier et Tim Stubbert, inspecteurs techniques, mesures correctives – Direction de la Certification nationale des aéronefs, Aviation civile

La Campagne de sécurité de l’aviation générale (CSAG) de Transports Canada s’est récemment transformée en un programme sur la sécurité de l’aviation générale. L’objectif de cette campagne, devenue un programme, est d’améliorer la sécurité globale dans le secteur de l’aviation générale au Canada. L’une des ramifications de ce programme est le Groupe de travail sur le programme de déclaration volontaire, créé en juin 2018 dans le cadre de la CSAG. Ce groupe de travail avait initialement pour mandat de :

  1. mener des travaux de recherche et développement en vue de mettre au point un système de déclaration volontaire destiné à être utilisé par les pilotes de l’aviation générale;
  2. mener des travaux de recherche et développement en vue de mettre au point un système de déclaration volontaire destiné à être utilisé par les unités de formation au pilotage.

La question des rapports de difficultés en service (RDS) a été abordée dans le cadre des discussions du groupe de travail, et ces rapports ont immédiatement été considérés comme importants pour la sécurité et la viabilité de l’aviation générale. Les RDS jouent en effet un rôle essentiel en permettant à Transports Canada et aux autres autorités de l’aviation civile de se faire une idée de l’état et du caractère sécuritaire des aéronefs utilisés dans notre espace aérien.

L’aviation générale étant le plus grand secteur de l’aviation au Canada, on pourrait penser que Transports Canada doit trier d’énormes quantités de données issues de RDS pour dégager les tendances en ce qui concerne les défaillances, les dysfonctionnements et les défectuosités des aéronefs de l’aviation générale. Ce n’est pas le cas. L’établissement de RDS est moins fréquent dans l’aviation générale que dans tous les autres secteurs de l’aviation au Canada. Les RDS ne sont d’ailleurs pas obligatoires dans l’aviation générale. Mais y sont-ils pour autant moins importants? Pour Transports Canada, la réponse est non. Afin de mieux comprendre la situation, voyons un peu ce qu’est un RDS et en quoi consiste le système le des RDS.

Difficulté en service : Panne, défaut de fonctionnement ou défectuosité d’un produit aéronautique.

Produit aéronautique : Aéronef ou moteur, hélice, appareillage ou pièce d’aéronef, ou leurs éléments constitutifs. 

Difficulté en service à signaler : Difficulté en service qui compromet ou qui, si elle n’est pas corrigée, risque de compromettre la sécurité d’un aéronef, de ses occupants ou de toute autre personne.

À la lecture des définitions ci-dessus, vous pouvez constater qu’une difficulté liée à un aéronef et susceptible de compromettre la sécurité est une difficulté en service à signaler, dont Transports Canada aimerait beaucoup être informé.

Transports Canada a publié la circulaire d’information nº 521-009 pour aider le milieu de l’aviation canadien à mieux comprendre le système RDS. Cette circulaire contient des exemples de défectuosités devant faire l’objet de rapports, et fournit des conseils concernant la soumission de ces rapports. 

Voici un exemple de RDS canadien reçu :

RDS 20160502010 – PIPER PA-28-140
DÉSIGNATION DE PIÈCE : VOLANT   RÉFÉRENCE : 6201903
LE VOLANT DE COMMANDE DES PILOTES SITUÉ EN HAUT À GAUCHE, PRÈS DE L’EMPLACEMENT DU BOUTON PTT, S’EST COMPLÈTEMENT FISSURÉ DURANT LE VOL, LE VOLANT EST RESTÉ ENTIER ET L’AÉRONEF ÉTAIT MAÎTRISABLE. LA FISSURE NE SE TROUVE PAS DANS LA ZONE DEVANT FAIRE L’OBJET D’UNE INSPECTION EN VERTU DE LA CN 69-22-02 ET DU BS 527D DE PIPER

Il s’agit là d’un exemple parfait de RDS. La personne qui a soumis ce rapport a précisé la désignation de la pièce et sa référence, et a très bien décrit l’événement. En outre, elle a fait le rapprochement avec une consigne de navigabilité et un bulletin de service mentionnant des défectuosités similaires à celle signalée dans le RDS.

asl-sdr-gen-aviation-fr

La division chargée du maintien de la navigabilité aérienne et des enquêtes en service, qui dépend de la direction de la Certification nationale des aéronefs de l’Aviation civile de Transports Canada (ACTC), est responsable de tous les RDS soumis au Canada. En 2019, 4 727 RDS ont été soumis à Transports Canada par des propriétaires, des exploitants, des préposés à l’entretien et des organismes de maintenance d’aéronefs canadiens.

La division chargée des enquêtes en service emploie sept inspecteurs techniques, mesures correctives.

Ces derniers examinent chaque RDS transmis par l’intermédiaire du système Web de rapports de difficultés en service (SWRDS) ou par télécopie/sur support papier. Les différents produits, types de produits et titulaires de certificats de type sont répartis entre ces inspecteurs techniques. Lorsqu’un RDS est soumis, l’inspecteur technique, mesures correctives affecté au produit concerné examine le rapport pour s’assurer qu’il est complet et évaluer son impact global en matière de sécurité.  Une fois l’examen terminé, l’inspecteur technique, mesures correctives, fait suivre le RDS au titulaire du certificat de type responsable du produit aéronautique en question. Par exemple, un RDS reçu concernant un Cessna 172 serait transmis à Textron Aviation après examen. Ce processus est le même pour les moteurs et les hélices. 

Que fait Transports Canada de tous ces RDS? Les RDS donnent régulièrement lieu à de grands projets. Pour Transports Canada, les RDS sont souvent la pierre angulaire d’articles Feedback, de consignes de navigabilité et d’alertes à la sécurité de l’aviation civile (ASAC) – qui sont tous des formes de mesures correctives. Le programme RDS prévoit la collecte, l’organisation, l’analyse et la diffusion de l’information sur le service des aéronefs, l’idée étant d’améliorer la fiabilité des produits aéronautiques en service. Ce programme est l’un des plus précieux outils dont dispose Transports Canada pour évaluer la fiabilité et le caractère sécuritaire d’un aéronef immatriculé au Canada. Périodiquement, les inspecteurs techniques, mesures correctives, dont il a été question plus haut procèdent à des analyses des données tirées des RDS afin de dégager les tendances en ce qui concerne les défectuosités signalées. 

Il faut savoir que la base de données du SWRDS contient non seulement des RDS canadiens, mais aussi des RDS transmis depuis les États-Unis et l’Australie. Au total, plus de 1 937 336 RDS y sont stockés. Les inspecteurs techniques, mesures correctives travaillent en étroite collaboration avec les ingénieurs de Transports Canada spécialistes des mesures correctives, axées sur le maintien de la navigabilité aérienne, l’objectif étant de déterminer si la fréquence et la gravité des défectuosités signalées coïncident pour Transports Canada avec la définition de la notion de condition dangereuse. Le cas échéant, une consigne de navigabilité est émise. À un degré de gravité moindre, les RDS peuvent donner lieu à l’émission d’une ASAC. Une ASAC est utilisée pour transmettre des renseignements importants sur la sécurité, et contient des recommandations quant aux mesures à mettre en œuvre.  Une ASAC n’a pas la force obligatoire d’une consigne de navigabilité, mais l’application des mesures qu’elle propose est fortement recommandée. Le troisième niveau, c’est l’article Feedback. Les articles Feedback sont des outils de communication visant à accroître la sensibilisation à la sécurité, qui sont utilisés par Transports Canada dans le milieu de l’aviation. Ces articles sont créés directement à partir de RDS reçus et considérés comme sujets d’intérêt par les inspecteurs techniques, mesures correctives susmentionnés.

Les RDS permettent à Transports Canada de prendre diverses mesures correctives évoquées (comme on l’a vu plus haut), mais ce n’est pas tout : ces rapports sont par ailleurs fréquemment utilisés par le titulaire du certificat de type pour introduire une mesure corrective ou une amélioration de produit. Celles-ci peuvent être annoncées dans des publications telles que des bulletins de service, des lettres d’information ou des mises à jour d’instructions de maintien de la navigabilité, pour ne citer que quelques exemples.

Comparer le RDS à un rapport du Bureau de la sécurité des transports (BST) est un bon moyen de se faire une idée de son impact sur la sécurité. Un rapport d’accident du BST est réactif par nature, tandis qu’un RDS relève plutôt de la gestion proactive du risque. Le principal objectif est d’anticiper la défectuosité.

Quel est le lien entre tout cela et l’aviation générale? L’établissement de RDS n’est pas une obligation pour l’aviation générale, et ne l’est pas non plus pour les techniciens d’entretien d’aéronef (TEA.). Qui doit soumettre des RDS? En vertu du Règlement de l’aviation canadien (RAC), sont tenus de soumettre des RDS : 

  • les organismes de maintenance agréés – Article 573 du RAC;
  • les unités de formation au pilotage – Article 406 du RAC;
  • les exploitants aériens – Article 706 du RAC;
  • les exploitants privés – Article 604 du RAC;
  • les titulaires d’une approbation de la conception – Article 521 du RAC;
  • les constructeurs de produits aéronautiques – Article 561 du RAC.

Qui peut soumettre des RDS?  Tout le monde. Transports Canada autorise la soumission de RDS par toute personne estimant cette soumission nécessaire. Le SWRDS est le moyen le plus rapide de soumettre un RDS, mais l’envoi de ces rapports par télécopie ou par courrier ne pose aucun problème. 

Par ailleurs, le site Web du SWRDS contient de nombreux autres liens fort utiles. Il permet notamment aux utilisateurs d’accéder aux consignes de navigabilité, aux ASAC, au site Web du magazine Feedback et à la version électronique/papier du formulaire de RDS. En outre, le système présente un avantage supplémentaire pour les propriétaires et les préposés à l’entretien d’aéronefs, puisqu’il leur permet de chercher dans l’immense base de données des RDS les rapports soumis concernant leur type de produit. Or, ces rapports font parfois état de précieuses techniques mises en œuvre par leurs auteurs pour corriger des défectuosités similaires.

Quel est l’intérêt direct de ces rapports pour la communauté de l’aviation générale? L’amélioration de la sécurité. Les RDS contribuent tout simplement à renforcer votre sécurité, mais aussi celle des exploitants d’aéronefs de l’aviation générale et celle de l’ensemble du monde de l’aviation internationale.

En conclusion, disons que le recours au système de RDS de Transports Canada est fortement recommandé pour tous les acteurs du milieu de l’aviation. L’utilisation de ce système reste tout à fait facultative pour le secteur de l’aviation générale et les TEA, mais il convient de rappeler qu’il s’agit d’un outil précieux contribuant au maintien de la sécurité aéronautique au Canada.