Que sont les eaux de ballast?
Le terme ballast désigne tout solide ou liquide transporté à bord d’un bâtiment pour en accroître le tirant d’eau, en modifier l’assiette, régulariser la stabilité ou maintenir à un niveau acceptable les tensions imposées par la charge.
Depuis l’arrivée des bâtiments à coque en acier et de la technologie de pompage, l’eau est devenue un ballast de choix. Elle peut être pompée dans les citernes de ballast ou à l’extérieur de celles-ci, nécessite peu de main-d’œuvre et, tant que les citernes sont pleines, il y a peu de problèmes de stabilité, voire aucun.
Histoire de coopération binationale
Il est reconnu que l’eau de ballast pompée dans les navires peut contenir des plantes et des animaux. Le rejet des eaux de ballast non traitées dans les ports des Grands Lacs constitue une façon parmi tant d’autres d’introduire des espèces qui peuvent être envahissantes dans les eaux que le Canada partage avec les États-Unis d’Amérique. C’est pourquoi nos deux pays ont collaboré étroitement pour établir des règlements en vue de gérer les rejets d’eaux de ballast et de réduire le risque d’invasion. Tous les navires provenant de l’étranger sont tenus d’échanger leur eau de ballast au milieu de l’océan avant leur arrivée. Cette pratique consiste à remplacer l’eau de ballast que le navire a pompée au port par de l’eau de mer salée provenant du grand large. L’échange de l’eau de ballast réduit le nombre d’envahisseurs possibles dans les citernes de ballast ainsi que leurs possibilités de survie après leur rejet dans les eaux douces des Grands Lacs. Même si les navires ne transportent pas d’eau de ballast, il faut tout de même rincer le contenu résiduel de leur citerne avec de l’eau de mer afin de réduire la quantité de semences, de spores et d’œufs. Ces règlements binationaux compatibles ont permis d’assurer la sécurité des navires, des équipages et de l’environnement tout en garantissant la conformité aux traités internationaux.
Aujourd’hui, tous les navires qui entrent dans la Voie maritime du Saint-Laurent en provenance de l’extérieur de la zone économique exclusive du Canada sont inspectés dans le cadre d’un programme binational avant de pénétrer dans les Grands Lacs. Cette inspection permet d’assurer le respect intégral des exigences relatives à l’échange et à la vidange, car les navires doivent satisfaire aux exigences réglementaires ou prendre des mesures correctives pour s’y conformer. La recherche scientifique a démontré que ce programme est efficace, et les chercheurs ont recommandé de l’étendre à d’autres écosystèmes d’eau douce partout dans le monde. Depuis la mise en œuvre du système binational d’inspection en 2006, aucune nouvelle espèce exotique provenant des eaux de ballast de navires n’a été signalée dans les Grands Lacs.
Aperçu
Le gouvernement du Canada souhaite réduire le risque d’invasion d’espèces aquatiques provenant des eaux de ballast des navires. Ce risque est particulièrement préoccupant dans le réseau Grands Lacs-Voie maritime du Saint-Laurent. Cette voie commerciale binationale soutient des dizaines de milliers d’emplois des deux côtés de la frontière. Il s’agit d’un axe de transport essentiel pour les produits de base, comme le minerai de fer, le charbon, les minéraux et les céréales. Par sa réglementation rigoureuse et efficace des eaux de ballast, le Canada reconnaît l’importance environnementale et économique de la Voie maritime.
Les exigences irréalistes de l’État de New York, qui entreront bientôt en vigueur, retardent l’installation des systèmes de traitement de protection et menace de paralyser la circulation sur la Voie maritime du Saint Laurent. Le Canada continue de renforcer sa réglementation des eaux de ballast et a ratifié une convention internationale sur les eaux de ballasti. Le Canada invite l’État de New York à se joindre aux efforts internationaux visant à renforcer la protection de l’environnement grâce à des règles qui sont compatibles sur les deux territoires et qui peuvent être mises en œuvre immédiatement.
Préoccupations du Canada à l’égard des exigences de l’État de New York
En 2008, en réponse à une poursuite devant les tribunaux américains, l’Environmental Protection Agency (EPA) a commencé à réglementer les rejets d’eaux de ballast en vertu de la Clean Water Act (loi sur l’assainissement de l’eau). Cette loi exige que les États américains approuvent les exigences de l’EPA en matière d’eaux de ballast et leur permet d’ajouter des conditions qui s’appliquent aux navires qui se trouvent dans leurs eaux. Il en a résulté une mosaïque d’exigences non uniformes pour les Grands Lacs.
Les nouvelles exigences de l’État de New York, qui entreront en vigueur en 2013, sont au moins 100 fois plus strictes que celles de l’Organisation maritime internationale. Le Canada a trois préoccupations principales à l’égard de ces exigences irréalistes.
- Aucun système de traitement des eaux de ballast approuvé ne satisfait à la norme requise. Le conseil consultatif scientifique de l’EPA a récemment conclu qu’aucun des systèmes de traitement actuels ne pourra satisfaire à la norme de l’État de New Yorkii. Les exigences ont donc créé de l’incertitude pour les armateurs et retardé l’installation des systèmes de traitement des eaux de ballast disponibles et, par voie de conséquence, la mise en œuvre des mesures de protection de l’environnement.
- Il est impossible de faire l’essai des systèmes par rapport au niveau requis. Aucun protocole d’approbation n’a été établi pour la vérification du fonctionnement des systèmes de traitement des eaux de ballast par rapport à une norme plus stricte que celle de l’Organisation maritime internationale. La mise à l’essai de ces systèmes est un processus complexe et difficile qui exige un travail de laboratoire considérable et d’importants volumes d’eau. Le conseil consultatif scientifique de l’EPA a récemment conclu que les méthodes actuelles empêchent de mettre à l’essai ces systèmes par rapport à la norme de l’État de New Yorkiii.
- Les exigences s’appliquent à tous les navires naviguant dans les eaux de l’État de New York, peu importe si un rejet d’eau de ballast est prévu. Comme deux écluses situées près de l’entrée des Grands Lacs se trouvent dans les eaux de l’État de New York, l’application des exigences aux navires en transit paralyserait le trafic commercial sur la Voie maritime, y compris les navires canadiens voyageant d’un port canadien à un autre. En outre, les expéditions canadiennes à destination et en provenance du port de New York et du New Jersey seraient réduites.
Les exigences de l’État de New York auraient de lourdes conséquences économiques. Les auteurs d’une étude économique récente ont conclu que la fermeture de la Voie maritime du Saint-Laurent au niveau des écluses de l’État de New York pourrait mettre en péril près de 11 milliards de dollars de revenus d’entreprises et plus de 72 000 emplois au Canada et aux États-Unis. De ces emplois, plus de 31 000 sont directement menacés dans les services maritimes et dans les industries qui dépendent directement des ports .La fermeture de la Voie maritime et du port de New York et du New Jersey pourrait perturber l’expédition d’environ 44 millions de tonnes métriques de marchandises (moyenne annuelle), représentant les intrants et les extrants des secteurs clés de l’économie, comme l’agriculture et l’acierv.
L’approche du Canada
Comme les espèces envahissantes se propagent sans égard aux frontières internationales, les scientifiques croient qu’une approche écosystémique, plutôt qu’une mosaïque d’exigences, représente le meilleur moyen de protéger les Grands Lacs. Le Canada a reconnu que de nouvelles règles internationales strictes sont nécessaires pour que la flotte mondiale qui transporte les marchandises commerciales d’Amérique du Nord puisse adopter rapidement des systèmes de traitement. Le Canada travaille donc en étroite collaboration avec d’autres nations pour renforcer ses règles et exiger que les exploitants des navires prennent des mesures reconnues au niveau international et utilisent des systèmes de traitement des eaux de ballast approuvés. C’est pourquoi le Canada a récemment ratifié une convention internationale sur les eaux de ballast1, qui exige que les navires soient dotés de systèmes de traitement qui « retirent de manière efficace et fiable presque tous les organismes vivants des eaux de ballast, et ce, dans les conditions difficiles qui règnent sur les navires actifs.»vi
Le Canada souhaite que des systèmes de traitement des eaux de ballast approuvés soient installés dès que possible sur les navires pour permettre de commencer à renforcer la protection de l’environnement sur les Grands Lacs et dans le monde entier. En outre, ces systèmes permettraient d’améliorer la sécurité des navires et des équipages. On estime à 68 000 le nombre de navires qui installeront un système de traitement avant 2016 afin de se conformer à la Conventionvii. Agir dès maintenant créera une certitude qui permettra aux armateurs de financer l’investissement en capital nécessaire (estimées à 1 million de dollars par navire, en moyenneviii) dans des systèmes conçus pour durer pendant des décennies. Par conséquent, le Canada a demandé à l’État de New York d’adopter une approche compatible au niveau international, plus particulièrement pour les navires en transit.
Le Canada accorde beaucoup d’importance à la coopération de longue date qu’il entretient avec les États-Unis en ce qui a trait à la gestion de nos eaux limitrophes navigables. Nous devons maintenant travailler de concert pour trouver une approche compatible en matière de réglementation des eaux de ballast qui soit pratique et qui permette de protéger l’environnement et de satisfaire tous les organismes de réglementation.
Novembre 2011
i Organisation maritime internationale, Convention internationale de 2004 pour le contrôle et la gestion des eaux de ballast et sédiments des navires.
ii EPA Science Advisory Board (2011), « Efficacy of Ballast Water Treatment Systems », p. 37.
http://yosemite.epa.gov/sab/sabproduct.nsf/6FFF1BFB6F4E09FD852578CB006E0149/$File/EPA-SAB-11-009-unsigned.pdf
“No current BWMS types can meet a 100x or 1000x discharge standard.” [traduction] – aucun type de STEB ne peut satisfaire à une norme de rejet 100 à 1000 fois plus stricte.
iii EPA Science Advisory Board (2011), « Efficacy of Ballast Water Treatment Systems », p. 3.
http://yosemite.epa.gov/sab/sabproduct.nsf/6FFF1BFB6F4E09FD852578CB006E0149/$File/EPA-SAB-11-009-unsigned.pdf
iv « Les méthodes actuelles (et leurs limites de détection) empêchent de faire l’essai des STEB par rapport à une norme plus stricte que celle de la phase 1 de D-2. Il est donc impossible de vérifier une norme 100 ou 1 000 fois plus stricte. »
v Martin Associates (2011), « The economic impacts of the Great Lakes-St. Lawrence Seaway system ».
http://www.marinedelivers.com/sites/default/files/documents/Econ%20Study%20-%20Full%20Report%20Final.pdf
vi Analyse de Transports Canada à partir des données de la Corporation de gestion de la Voie maritime du Saint Laurent.
vii EPA Science Advisory Board (2011), « Efficacy of Ballast Water Treatment Systems », p. 36.
http://yosemite.epa.gov/sab/sabproduct.nsf/6FFF1BFB6F4E09FD852578CB006E0149/$File/EPA-SAB-11-009-unsigned.pdf
viii King, Riggio et Hagan (2010), « Preliminary overview of global ballast water treatment markets ».
http://www.maritime-enviro.org/Downloads/Reports/Other_Publications/MERC_Preliminary/files/assets/seo/page1.html
King, Riggio et Hagan (2009), « Preliminary cost analysis of ballast water treatment systems ».
http://www.maritime-enviro.org/Downloads/Reports/Other_Publications/MERC_Preliminary_Cost/files/assets/seo/page1.html