Dans un article (en anglais seulement) publié le 11 décembre 2019, la CBC a rapporté des allégations selon lesquelles, en 2008, un courriel contenant un lien vers une parodie de chanson de Frank Sinatra contenant des paroles racistes et violentes avait été envoyé à certains employés de Transports Canada (TC). Dans l'article, un ancien employé de TC a fait part de ses inquiétudes à ce sujet :
- un courriel, qui contenait un lien vers une parodie de la ballade Strangers in the Night à caractère raciste intitulée Strangers on my Flight, a été envoyé par un employé de TC à au moins six collègues, dont deux gestionnaires responsables du service;
- ce courriel avait été porté à l'attention de la direction générale au fil des années lors de réunions et de retraites du personnel.
Immédiatement après la publication de l'article de la CBC, le sous-ministre a chargé l'agent principal de l'intégrité par intérim du Ministère de mener une enquête afin de déterminer :
- Qui était à l'origine du courriel et à qui il était envoyé;
- Quand la direction — y compris la haute direction — a été informée, et, le cas échéant, quand des mesures ont été prises et quelles mesures ont été prises.
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Approche
Cette enquête couvre la période allant de la date présumée d'envoi des courriels, en 2008, jusqu'au moment où l'enquête a été lancée en décembre 2019. Voici les différents aspects de l'enquête :
- Effectuer une recherche exhaustive dans le système de courriel de TC et dans le système d'archivage des documents officiels pour confirmer l'existence du courriel contenant le lien vers la parodie de Frank Sinatra afin de déterminer :
- d'où il provenait au sein de TC;
- à qui il a été envoyé au sein du Ministère.
- Mener des entretiens avec plus de trente employés et cadres actuels et retraités — y compris des représentants syndicaux — qui auraient eu connaissance, ou auraient pu avoir connaissance, du courriel ou qui auraient eu des inquiétudes à ce sujet.
- Examiner les documents tels que les ordres du jour des réunions, les procès-verbaux et les comptes rendus de décisions afin de déterminer si les allégations ont été portées à l'attention de la direction et, le cas échéant, à quel moment.
Contexte : Environnement de travail
Dans le cadre de l'enquête, un élément contextuel important était l'environnement de travail au bureau de la Sûreté aérienne à l'aéroport international Pearson en 2008, au moment de l'allégation. Nos discussions avec les employés et les gestionnaires, ainsi que notre analyse des enquêtes réalisées précédemment, indiquent que le milieu de travail à l'époque était miné par d'importants conflits et problèmes interpersonnels.
Dans ce bureau qui compte environ 25 employés de la Sûreté aérienne, un certain nombre de griefs ont été déposés; dans beaucoup de cas, il s'agissait de griefs entre employés. Les enquêtes ministérielles et les examens précédents témoignent d'une problématique difficile dans les bureaux à l'aéroport international Pearson. Dans le cadre de l'enquête, nous avons pu nous entretenir avec des membres du personnel qui y travaillaient déjà au bureau de l'aéroport international Pearson en 2008 et qui ont décrit l'atmosphère de travail à l'époque comme étant dysfonctionnelle. Ils ont indiqué qu'il y avait des clans au sein du personnel et que quelques individus créaient un véritable climat d'intimidation, de peur et de dissension entre les collègues.
Les dossiers montrent que les incidents signalés ont été dûment consignés et traités par la direction. Plusieurs démarches informelles de résolution des conflits et des processus formels de plaintes et de griefs ont été mis en œuvre au fil des années. Les examens organisationnels, les activités destinées à l'ensemble du personnel et les formations de groupe sont quelques exemples des mesures prises par la direction pour tenter de résoudre les problèmes et d'améliorer l'environnement de travail. En outre, la direction a pris des mesures correctives importantes pour résoudre les problèmes les plus graves, notamment des mesures disciplinaires, la réaffectation de certains employés et, dans un cas, des négociations en vue du départ d'un employé de la fonction publique.
Au cours de l'enquête, les membres du personnel du bureau de la Sûreté aérienne à l'aéroport international Pearson ont décrit la situation actuelle au travail comme étant bien meilleure que celle de 2008. Ce point de vue est étayé par les données du Sondage auprès des fonctionnaires fédéraux, qui montrent une amélioration significative des indicateurs relatifs au milieu de travail pour l'équipe de la Sûreté aérienne de la région de l'Ontario.
Constatations et conclusions
Le premier objectif de l'enquête était de déterminer qui était à l'origine du courriel qui contenait un lien vers une parodie déplacée d'une chanson de Frank Sinatra, lequel aurait été envoyé par un employé de TC en 2008, ainsi que l'ampleur de sa diffusion. Voici ce que nous avons trouvé :
- Entre 2006 et 2010, six employés qui travaillent toujours à TC ont envoyé des courriels contenant un lien vers une parodie d'une chanson de Frank Sinatra contenant des propos racistes en utilisant le réseau de TC. Ce faisant, ils ont enfreint le Code de valeurs et d'éthique de la fonction publique (version en vigueur de 2003 à 2011), et ils ont violé la Politique de TC sur l'utilisation des réseaux électroniques (en vigueur de 1998 à 2013), car le courriel a été partagé au moyen du réseau de TC, ce qui correspond à une utilisation inacceptable des réseaux et appareils électroniques du gouvernement du Canada.
Le deuxième objectif était de déterminer si la direction, y compris la haute direction, avait été informée de la situation, avait pris les mesures nécessaires et, le cas échéant, quelles mesures avaient été prises en réponse au courriel en question. Voici ce que nous avons trouvé :
- À la suite de l'analyse des données recueillies ou des dossiers, nous avons constaté qu'avant mars 2017, il n'y avait aucune preuve que la direction a été informée de l'existence de ce courriel. L'affirmation selon laquelle un ancien employé de TC « a passé des années à porter le courriel à l'attention de la direction lors de réunions et de retraites du personnel » n'a pas pu être corroborée.
- En 2017, le Bureau de l'intégrité de TC a mené une vaste enquête dans les bureaux à l'aéroport international Pearson, dans le cadre des efforts continus de la direction pour résoudre les problèmes liés au lieu de travail. Au cours de l'enquête, une copie papier du courriel cité dans l'article de décembre 2019 de la CBC a été fournie au Bureau de l'intégrité par un employé. La divulgation de ce courriel s'inscrivait dans une série d'allégations formulées par des employés. Rien n'indiquait que le courriel avait été évoqué auparavant. Compte tenu du grand nombre d'allégations contradictoires qui ont été faites et des mesures correctives importantes qui ont été prises par la direction, aucune mesure supplémentaire n'a été prise en ce qui concerne le courriel.
- À la fin de 2018, une autre copie papier du même courriel a été fournie à Transports Canada par une partie extérieure, et l'inquiétude soulevée était que la personne qui l'aurait envoyé avait une influence directe sur la liste du Programme canadien de protection des passagers (la « liste d'interdiction de vol » canadienne). Rien n'indique que les préoccupations relatives à ce courriel aient déjà été soulevées auparavant auprès de la direction de Transports Canada et que des mesures ont été prises. Le Bureau de l'intégrité a effectué un bref examen et a conclu que l'expéditeur présumé n'avait aucune influence directe ou indirecte sur la surveillance du programme, qui est géré par Sécurité publique Canada, et non par TC.
- En décembre 2019, lorsque des personnes ont allégué que des inquiétudes concernant le courriel avaient été soulevées auprès de la direction au fil des années et qu'aucune mesure n'avait été prise, le sous-ministre a immédiatement demandé cette enquête. Avec du recul, nous pouvons affirmer que le courriel aurait pu faire l'objet d'une enquête plus approfondie lorsqu'il avait été rapporté en 2017 ou à la fin de 2018.
Recommandation
Il est recommandé que le sous-ministre prenne des mesures adéquates pour répondre à ces constatations, et qu'il insiste sur le fait que le ministère ne tolère aucun comportement discriminatoire au travail.