A95C0250 - Collision avec la surface gelée d'un lac - Eagle Air Services - Piper PA-31-325 Navajo C-GOLM - 1 nm au nord-est du lac Wollaston (Saskatchewan) - 25 novembre 1995
Résumé
À 23 h 25, heure normale du Centre (HNC), l'avion décolle de Wollaston Lake (Saskatchewan) pour effectuer un vol d'évacuation médicale (MEDEVAC) à destination de La Ronge (Saskatchewan). Après le décollage, l'avion décrit un virage d'environ 70 degrés vers la gauche, perd de l'altitude et heurte la surface gelée du lac Wollaston. Le pilote et la patiente sont grièvement blessés; les deux autres occupantes sont légèrement blessées. L'avion est détruit. Le Bureau a déterminé que, après le décollage, l'hélice gauche était probablement verrouillée en mode de démarrage, et lorsque la vitesse de l'avion a augmenté, l'hélice est passée en survitesse. Le pilote n'est pas parvenu à corriger la situation à temps pour éviter que l'avion ne heurte la surface du lac Wollaston. Le fait que la patiente n'était pas bien retenue par la sangle de la civière, l'absence de normes concernant les civières utilisées à bord des aéronefs, et l'absence de normes concernant les vols MEDEVAC ont contribué à la gravité des blessures de la patiente.
Mesures de sécurité à prendre
(tel qu'indiqué dans le rapport du BST)
Installation de civières et ensembles de retenue des patients
Au cours de l'enquête, force a été de constater que l'Ordonnance sur la navigation aérienne (ONA) traitant de l'installation d'une civière, d'un incubateur ou d'un dispositif semblable (paragraphe 4(2) de l'ONA no 2 de la série II) se prêtait à différentes interprétations, l'ambiguîté pouvant aller jusqu'à l'approbation d'une installation dans laquelle l'état de navigabilité tant du dispositif (à savoir la civière) que de l'ensemble de retenue était remis en question. Cette lacune a été corrigée à l'article 605.23 du Règlement de l'aviation canadien (RAC), lequel stipule que toute personne transportée sur une civière ou dans une couveuse ou un autre dispositif semblable doit disposer d'un «ensemble de retenue». En vertu des dispositions de l'article 605.06 du RAC (Normes et état de service de l'équipement d'aéronef), un tel «ensemble de retenue» doit satisfaire aux exigences de navigabilité applicables (ce qui veut dire que l'équipement et son installation doivent être approuvés par Transports Canada).
De plus, Transports Canada a pris des mesures pour mettre à jour ses documents traitant des ambulances aériennes (TP 10839F, Guide des opérations d'ambulance aérienne, et DPNA 22, Installation de civières à bord d'aéronefs) de façon à tenir compte des modifications inhérentes à l'entrée en vigueur du RAC.
Diffusion de l'information
Le Bureau croit que les instances appelées à passer des contrats de service en matière d'ambulance aérienne devraient être mises au courant des problèmes de sécurité relevés au cours de l'enquête sur cet accident. C'est pourquoi le rapport final sur cet accident sera envoyé aux instances pertinentes du gouvernement fédéral et de l'ensemble des gouvernements provinciaux et des administrations territoriales.
Mesures à prendre
(tel qu'indiqué dans le rapport du BST)
Aperçu de la réglementation en matière d'exploitation d'un service d'ambulance aérienne
L'expression «exploitation d'ambulances aériennes» se rapporte au transport de patients par voie aérienne. Les missions peuvent aller du simple transfert d'un patient jusqu'à une évacuation médicale d'urgence (MEDEVAC). à l'heure actuelle, Transports Canada traite l'exploitation d'un service d'ambulance aérienne comme un service aérien commercial, ce qui veut dire qu'une telle exploitation est régie par la partie VII du RAC. L'octroi d'un certificat d'exploitant aérien, lequel permet de transporter des passagers contre rémunération, permet également à un exploitant d'adapter son exploitation de façon à offrir un service d'ambulance aérienne. Le RAC ne contient aucune référence spécifique ni aucune norme particulière propre à l'exploitation d'un service d'ambulance aérienne, et aucune modification aux spécifications d'exploitation n'est exigée pour pouvoir offrir un tel service. Par conséquent, il se peut fort bien que Transports Canada ne sache pas qu'un exploitant offre un service d'ambulance aérienne, le ministère risquant alors de ne pas inclure des points propres à un tel service au moment de ses vérifications ou de toute autre opération de surveillance des activités de l'exploitant.
à l'heure actuelle, Transports Canada fait confiance aux exploitants pour apporter volontairement les modifications nécessaires à la formation des équipages de conduite et aux procédures d'exploitation et pour obtenir auprès de Transports Canada l'approbation de l'installation de l'équipement avant d'offrir au public un service d'ambulance aérienne. Toutefois, dans le cas présent, l'exploitant assurait un service d'ambulance aérienne sans utiliser de civières approuvées par Transports Canada, sans dispenser de la formation supplémentaire aux équipages de conduite et sans avoir fait les modifications aux manuels censées refléter les procédures propres aux ambulances aériennes.
Comme nous l'avons dit précédemment, plusieurs provinces ont établi des normes relatives aux aéronefs, aux dispositifs de retenue, à l'équipement médical, aux installations au sol et à la formation du personnel. Toutefois, ces normes sont, semble-t-il, difficiles à faire respecter dans des situations où le vol est organisé ou payé par un organisme autre qu'une instance relevant directement du gouvernement provincial concerné.
Comme en font foi les divers guides de Transports Canada traitant des ambulances aériennes et les efforts déployés par certains gouvernements provinciaux pour réglementer les services d'ambulance aérienne dans leur province respective, la prestation d'un service d'ambulance aérienne sûr en tout temps nécessite de l'équipement, de la formation et des procédures nettement différents de ceux nécessaires pour le transport de passagers ordinaires. Le Bureau a connaissance d'autres événements (voir, par exemple, le rapport no A89O0280 du BST) au cours desquels la sécurité de patients a été compromise par des mesures de protection inadéquates (en comparaison de celles offertes à un passager ordinaire). Nonobstant les mesures prises par certaines provinces pour améliorer la sécurité des patients transportés par ambulance aérienne, le Bureau croit que des mesures volontaires ne suffiront pas à garantir un niveau de sécurité uniforme d'un bout à l'autre du Canada. Les équipages et les patients continueront à courir des risques tant que les patients seront transportés à l'aide d'un équipement inadapté ou par des équipages n'ayant pas reçu la formation propre aux besoins particuliers des patients qui ne peuvent se déplacer sans aide. C'est pourquoi le Bureau recommande que :
Le ministère des Transports oblige tous les transporteurs aériens proposant des services d'ambulance aérienne dans le cadre de leurs activités, à utiliser de l'équipement adapté, à suivre les procédures qui s'imposent et à donner la formation nécessaire à ses équipages de conduite afin que les patients puissent bénéficier d'un niveau de sécurité équivalent à celui dont bénéficient les passagers transportés contre rémunération dans le cadre de services aériens commerciaux. (A97-01)
Réponse de Transports Canada :
Le ministre des Transports souscrit à la recommandation et examine présentement le Règlement de l’aviation canadien (RAC) pour voir s’il est adéquat en ce qui concerne l’exploitation de services MEDEVAC.
Nous proposerons au Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne (CCRAC) de mettre sur pied un groupe de travail pour étudier les modifications qu’il pourrait être nécessaire d’apporter au RAC. Nous demanderons aux divers intervenants, soit Santé Canada, les autorités provinciales et territoriales de la santé, les associations d’exploitants aériens commerciaux, les exploitants d’aéronefs d’État, les syndicats et les organisations représentant les médecins, les infirmières et le personnel paramédical, de déléguer des personnes pour faire partie de ce groupe de travail.
Préoccupations liées à la sécurité
(tel qu'indiqué dans le rapport du BST)
Le Bureau constate avec inquiétude que le nombre d'accidents mettant en cause des vols MEDEVAC ou des ambulances aériennes se maintient à un niveau anormalement élevé en proportion du nombre de ces vols. Trop souvent, des patients sont victimes d'accidents d'aviation, comme cela a été le cas au lac Wollaston.
Voici ce qu'a écrit le BST dans un rapport d'enquête sur un accident mettant en cause un vol MEDEVAC :
Entre 1976 et 1994, il s'est produit 38 accidents mettant en cause des aéronefs qui assuraient un service d'ambulance aérienne ou qui effectuaient un vol MEDEVAC. Quinze des accidents sont survenus dans le Nord du Canada. Vingt et un des vols MEDEVAC s'étant conclus par un accident étaient effectués en régime VFR, et 18 sont survenus dans des conditions de nuit noire. Cela veut dire que, nonobstant les conditions de visibilité en vol signalées, l'absence de lumière ambiante provenant des agglomérations environnantes ou de la lune a causé des problèmes aux pilotes qui volaient en se fiant aux repères extérieurs. Douze des 38 accidents mettant en cause des vols MEDEVAC sont des accidents CFIT (de l'anglais controlled flight into terrain, impact sans perte de contrôle) qui ont eu lieu la nuit.
L'accident survenu à Kuujjuaq confirme les inquiétudes du Bureau et le fait que des vols MEDEVAC sont effectués de façon improvisés sans que les exploitants ne soient soumis à aucune norme pour évoluer dans l'environnement physique hostile de l'Arctique. (Rapport no A94Q0182 du BST)
L'accident survenu au lac Wollaston permet également de se demander si l'encadrement réglementaire est suffisant pour garantir le maintien de normes de sécurité pendant l'exploitation d'ambulances aériennes.
L'appareil accidenté appartient à un exploitant aérien commercial, mais il n'en demeure pas moins que 12 % environ des accidents mettant en cause des ambulances aériennes concernent des aéronefs appartenant à l'État (au sens large) généralement utilisés pour le compte d'un gouvernement provincial. Le Bureau a déjà fait des observations sur le fait que le niveau de sécurité exigé est différent selon qu'il s'agisse de vols assurés par l'État ou de services assurés par des exploitants aériens commerciaux. À titre d'exemple, voici ce qu'on peut lire dans un récent rapport du Bureau (rapport no A93Q0245 du BST) :
(...) lorsque des passagers sont transportés sur une base régulière à bord d'aéronefs d'État, ces passagers sont en droit de s'attendre à ce que les aéronefs et les équipages utilisés pour ces vols d'État soient soumis aux mêmes exigences que les transporteurs commerciaux... C'est pourquoi, le Bureau recommande que :
Le ministère des Transports exige que les exploitants d'aéronefs d'État soient soumis à un encadrement réglementaire qui serait, dans la mesure du possible, équivalent à l'encadrement qui s'applique aux transporteurs aériens commerciaux qui effectuent des opérations semblables. (A96-03, publiée en avril 1996)
À toutes fins utiles, Transports Canada a rejeté cette recommandation.
Le Bureau n'avait rien trouvé d'anormal dans les services d'ambulance aérienne assurés par l'État à ce moment-là, mais il n'en continue pas moins de s'interroger sur les disparités persistantes entre le niveau de sécurité offert par les exploitants de l'État et celui offert par les exploitants commerciaux. Le Bureau ne fait aucune autre recommandation en la matière à la suite du présent accident qui met en cause un aéronef commercial. Néanmoins, il persiste à croire qu'il faudrait éliminer tous les écarts entre les normes de sécurité applicables aux vols assurés par l'État et les normes applicables aux vols assurés par des exploitants aériens commerciaux dans le cadre de l'exploitation d'une ambulance aérienne.
Pour de plus amples informations, veuillez communiquer Analyse de la sécurité aérienne asi-rsa@tc.gc.ca.