Promotion et sensibilisation en matière de sécurité
par Bernard Maugis, spécialiste de la Sécurité du système, Région du Québec
Déjà dans l'Antiquité, Homère décrit les effets dévastateurs de la distraction dans l'Odyssée. Pour que ses marins ne soient pas attirés par le chant des sirènes et mettent le bateau en péril, Ulysse leur met des bouchons de cire dans les oreilles. De nos jours, les chauffeurs d'autobus n'ont plus recours à ce stratagème. Par mesure de sécurité et pour ne pas les distraire, les passagers sont priés de ne pas parler aux chauffeurs.
La plupart du temps, les pilotes de brousse et d'hélicoptères sont seuls pour assumer toutes les fonctions du pilotage de l'aéronef, sans toutefois être isolés de leurs passagers. L'esprit d'équipe entraÎne souvent les pilotes à intéragir avec leur passagers. Ceux-ci, en conversant ou en menant des activités à bord, peuvent devenir une source de distraction dangereuse. Autant que possible, le pilote doit s'isoler et se concentrer sur son travail en gardant ses distances. S'il se mêle aux conversations ou aux activités des passagers, son attention est grandement détournée du pilotage. Or, un pilote distrait n'est plus en mesure de maÎtriser la situation et sa vigilance, vitale en cas d'urgence, est relâchée. Les conversations en vol devraient se limiter aux exigences de la mission en cours. C'est une question de sécurité. Le commandant de bord professionnel explique et fait respecter cette discipline dans son poste de pilotage. Il pourra prendre le temps de bavarder et d'échanger ses impressions une fois au sol.
Voici un scénario classique de distraction : Imaginez un géologue comme passager avant de votre hélicoptère. Entre deux « balayages » du tableau de bord vous l'observez du coin de l'oil. Vous survolez un paysage rocailleux depuis une bonne demi-heure. Soudain, il change de couleur et vous crie dans l'interphone de faire demi-tour vers un tas de cailloux. Vous exécutez la manoeuvre alors qu'une voix excitée, débitant la beauté minérale de ces roches, résonne dans les écouteurs. L'enthousiasme vous gagne aussi, vos yeux écarquillés se rivent sur ces pierres et cherchent à en déceler la beauté, mais le miracle ne se produit pas... vous n'êtes pas géologue! Soudainement, vous reprenez vos esprits et vous constatez avec un pincement au coeur et un juron strident, que vous êtes à 100 pi AGL, avec un vent arrière et une vitesse nulle. Vous vous êtes mis, ainsi que vos passagers, dans une situation dangereuse. Vous en êtes le seul responsable. Vous vous êtes laissé distraire! Vous êtes bien chanceux si cette histoire se termine bien. Malheureusement, beaucoup d'accidents mortels (entre autres des collisions avec des lignes de haute tension) ont comme facteur aggravant la distraction du pilote.
D'autres formes dangereuses de distraction du pilote comprennent un café renversé dans le poste de pilotage, un instrument de bord qui fonctionne mal, ou un passager qui ne se sent pas bien. Le pilote concentre alors son attention sur le problème pendant que le vol se poursuit sans aucun contrôle réel. Plus le vol se déroule à basse altitude, plus cette distraction peut avoir des conséquences désastreuses car la marge de manoeuvre est réduite. Pilotes, méfiez vous donc du « chant des sirènes »!
Distraction = Danger - TP 2228F-21
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