Méthode de référence – Essai de simulation d’utilisation de systèmes interorganisationnels : un exemple réel d’intégration de l’aviation, de la médecine, des services de protection, des opérations de grue et de la construction pour atténuer les risques

par Mirette Dubé, John Griffiths, Janice Cullen, Maxine Gruener, Nick Pettipas, Michael Suddes, Aviva Sheckter et Ron German

Ambulance aérienne STARS

La simulation consiste à recréer une situation, un espace, un processus ou des circonstances véritables. La simulation dans le domaine des soins de santé visait généralement à former les équipes sur la prise en charge médicale et la gestion des ressources en situation de crise. Une simulation, qui comprend le rapport d’un spécialiste, englobe diverses activités dont l’objectif général est similaire, comme l’amélioration de la sécurité, de l’efficacité ou de l’efficience des services ou encore l’intégration des personnes dans un système. La science en matière de sécurité tend vers des stratégies plus proactives, par exemple le recours à la simulation pour détecter et atténuer les préjudices dans le secteur des soins de santé ou dans d’autres secteurs. Par le passé, les programmes de simulation étaient parfois considérés comme accessoires par les organismes de soins de santé. La simulation a toutefois été rapidement acceptée au cours des 10 à 15 dernières années et est devenue une nécessité pour les organisations à haute fiabilité en raison des données probantes. Le recours à la simulation fait en sorte que tous les membres d’une équipe savent d’avance ce qui est attendu d’eux, peuvent s’exercer à utiliser tout système, à suivre tout processus ou à effectuer toute tâche dans un espace donné tout en vérifiant des hypothèses, font preuve d’aisance et d’assurance lors de l’exécution de leur prochaine étape et des étapes des autres et peuvent s’assurer que les plans et les outils fonctionnent en toutes circonstances. La simulation permet de détecter les problèmes des systèmes et les menaces latentes à la sécurité qui pourraient autrement passer inaperçus jusqu’à ce qu’une situation impensable survienne. Lorsque plusieurs membres d’une équipe ont l’occasion de s’exercer dans le cadre d’une simulation, plutôt que dans le cadre d’une situation réelle hautement stressante, ils ont la chance de créer des liens et une confiance mutuelle qu’ils peuvent transposer dans les situations réelles hautement stressantes qu’ils rencontreront par la suite.

Pensons maintenant à la simulation dans le contexte de notre processus réel à risque élevé et de notre exemple de cas. Les risques inhérents à l’atterrissage d’un hélicoptère à l’héliport d’un hôpital pour y déposer un patient gravement malade ou pour y prendre un membre du personnel clé et l’emmener vers le lieu d’un accident peuvent sembler banals et évidents. Après tout, ce genre de manœuvre est effectuée partout dans le monde.

Réfléchissons maintenant à la complexité ajoutée par une grue de chantier située près de l’hélisurface ou à proximité de l’hôpital et des conséquences de sa présence pour les nombreux membres responsables de l’équipe. Pensons aux procédures d’exploitation en place pour les équipages de conduite des hélicoptères et prenons en compte les processus des équipes de soins de santé. Ajoutons à cela les exigences imposées aux équipes de construction et la manière dont les systèmes utilisés par chacune de ces équipes favorisent l’accomplissement de leur rôle ou y nuisent et les résultats qui en découlent. Ce mode de pensée systémique explique pourquoi nous devons examiner globalement les nombreux éléments complexes d’un système et leurs interactions pour faire la meilleure analyse d’une situation.

Projet du lien McCaig, octobre 2022

Notre projet avait directement trait à la sécurité, à l’atténuation des risques et à l’amélioration de la qualité pour le rendement et la résilience du système. Nos travaux ont réuni des représentants de cinq organisations de l’Alberta œuvrant dans les domaines de l’aviation (STARS Link Center), de la simulation (eSIM), de la construction (Ellis Don), de la médecine et du leadership (Alberta Health Services) et des opérations de grue (Mammoet) ou offrant des services de protection (Alberta Health Services) ou des services de consultation relatifs à l’héliport. Ces organisations ont pris part à une simulation afin de mettre à l’essai les voies de communication entre le pilote de l’hélicoptère, le centre de communication, les services de protection, l’équipe assurant la gestion et la sécurité de l’hélisurface, le chef du chantier de construction et le grutier. Au moyen de cette simulation, nous voulions tester les communications complexes pouvant avoir lieu dans différents scénarios avant de mettre en œuvre le plan définitif. L’interaction de ces communications complexes se produirait à chaque atterrissage de l’hélicoptère à notre centre de traumatologie (Foothills Medical Center). La simulation est l’un des meilleurs moyens de voir la différence entre le déroulement du travail tel que nous l’imaginons (c’est-à-dire tel qu’il a été mis par écrit ou tel qu’il a été discuté lors d’une réunion) et son déroulement réel, en englobant tous les facteurs humains et systémiques en jeu.

De nombreuses questions se posent relativement à cet exemple de cas, notamment :

  • Comment le grutier sait-il quand l’hélicoptère atterrira?
  • De quelle façon le gestionnaire de l’hélisurface et les nombreux membres du personnel des services de protection de l’hôpital interviennent-ils? Ont-ils reçu une formation adéquate concernant le processus et les voies de communication?
  • Est-ce que tous les membres de l’équipe composée des représentants des organisations comprennent bien les implications du vol d’un hélicoptère à proximité d’une grue?
  • Qu’en est-il du courant d’air descendant occasionné par l’hélicoptère sur la grue et de son incidence possible sur la stabilisation et la charge de la grue?
  • Est-ce que toutes les personnes concernées comprennent les risques encourus par l’équipage de conduite et les patients dans l’hélicoptère, l’équipe de construction au sol et le personnel, les patients et les visiteurs se trouvant sous la trajectoire d’une grue transportant de lourds matériaux de construction?
  • Qu’en est-il de la charge de la grue et de l’incidence du vent au quotidien sur celle-ci?
  • De quelle façon chacune de ces microéquipes et chacun de ces éléments interagissent-ils pour éviter qu’une catastrophe potentielle survienne?
  • Comment chacune des organisations assure-t-elle la sécurité de tous les systèmes, immeubles, membres du personnel et patients qui pourraient être touchés?
McCaig Link Project, October 2022

Projet du lien McCaig, octobre 2022

Toute lacune liée aux communications ou aux processus ou tout accident évité de justesse représente un risque élevé pour toutes les personnes concernées et peut potentiellement entraîner la mort. Comment pouvons-nous analyser ce qui fonctionne bien et veiller à ce que tout le monde en soit informé en vue d’obtenir un système résilient?

Malgré les risques, il existe pourtant des lacunes importantes dans la manière dont plusieurs organismes se réunissent ou s’intègrent au sein d’un système pour d’abord mettre à l’essai leurs processus et s’assurer (au lieu de seulement présumer) que les infrastructures opérationnelles et les infrastructures de sécurité et d’efficacité sont en place. Comment pouvons-nous avoir la certitude que chaque personne comprend bien son rôle et les risques encourus, qu’elle dispose d’outils cognitifs clairs pour suivre un processus et utiliser une voie de communication et que nous disposons d’un moyen de toujours faire un essai avant la mise en œuvre? Dans ce contexte, nous devons considérer le rôle de la simulation comme un essai sur le terrain avant le déploiement.

Divers scénarios de simulation ont été élaborés en collaboration avec tous les intervenants dans une période d’une semaine (de façon à ne pas retarder le calendrier de construction et à ne pas avoir d’incidence sur les vols) et ont été dirigés par un consultant en simulation spécialisé en simulation de systèmes. Parmi ces scénarios, mentionnons celui dans lequel l’arrivée d’un hélicoptère transportant un patient gravement malade était prévue dans un délai de 15 minutes, ou au moment où la grue se trouvait en pleine extension et transportait des matériaux. Les différentes parties qui prenaient part au processus ont communiqué en temps réel à l’aide des voies de communication déterminées. Ces voies de communication ont été testées et validées et des schémas du déroulement du processus ont été élaborés et normalisés en vue de former les nombreux membres du personnel concerné. Les rôles ont été clarifiés et des liens se sont forgés entre les diverses organisations indépendantes et les participants. Ce qui est plus important encore, la confiance s’est installée en ce qui concerne les rôles et les responsabilités de chaque partie et leur capacité à gérer les possibles conflits entre la position de la grue et l’arrivée de l’hélicoptère.

D’autres scénarios se sont présentés après la mise en œuvre. Ceux-ci ont permis aux équipes de communiquer rapidement entre elles, de tenter d’autres approches d’atterrissage, d’explorer d’autres efforts d’amélioration et de prendre des décisions bien plus rapidement ensemble. La simulation a été extrêmement utile à toutes les équipes pour assurer la sécurité, l’efficacité et l’efficience du processus. Lorsque les risques sont si incroyablement élevés, le rendement du capital investi ne doit pas nécessairement se calculer en économies de coûts, mais s’évalue plutôt d’après la prévention des événements catastrophiques, la sécurité du personnel et des patients, l’assurance de jouer efficacement son rôle et l’absence de retard quand il faut apporter des soins vitaux essentiels dans un contexte de soins de santé ou dans d’autres contextes. Il s’agissait de la première fois qu’une collaboration entre plusieurs intervenants, qu’une révision de leurs voies de communication particulières et qu’une simulation préalable à la mise en œuvre avaient lieu pour une organisation du domaine de l’aviation et des hélisurfaces d’hôpital. On trouve 13 hélisurfaces dans les hôpitaux de soins tertiaires de l’Ouest canadien et encore bien davantage ailleurs dans le monde. Cet exemple représentera à l’avenir un modèle et une norme afin de gérer l’atténuation des risques par plusieurs intervenants dans des circonstances semblables ou d’autres circonstances.

Pour finir, aucun système ne fonctionne en vase clos et le recours à la simulation pour intégrer les systèmes et les processus constitue assurément la voie de l’avenir.

Remerciements : L’équipe d’auteurs souhaite remercier tous les membres de l’équipe pour leur participation aux simulations et leur engagement envers la sécurité et l’essai de systèmes à l’aide de la simulation. Merci à Darren Emes (gestionnaire de l’hélisurface, Foothills Medical Center) pour sa contribution.

Affiliations :

  • Mirette Dubé – responsable du projet de simulation, programme provincial de simulation eSIM, Alberta Health Services
  • Maxine Gruener – programme provincial de simulation eSIM, Alberta Health Services
  • Nick Pettipas – services de construction Ellis Don
  • Janice Cullen – directrice principale de projet, projet du centre de cancérologie de Calgary
  • Ron German – services de consultation relatifs à l’héliport
  • John Griffiths – directeur, centre de communication d’urgence STARS, ambulances aériennes STARS
  • Michael Suddes – directeur général, centre médical Foothills, Calgary, Alberta, Canada
  • Aviva Sheckter – gestionnaire des services de protection, centre médical Foothills, Calgary, Alberta, Canada

Déclaration : Mirette Dubé est directrice générale et consultante en simulation pour une société de simulation de systèmes de soins de santé offrant de la formation sur la simulation de systèmes et des services de consultation.