Nids-de-poule et tonneaux : comprendre la Va et la Vno

par John Picone, instructeur de formation au sol de pilotes privés et de pilotes aux instruments de Brantford Flight Centre

Indicateur de vitesse
Crédit : Wikipedia

En me montrant une page du manuel, le vendeur de voitures souligne avec enthousiasme deux caractéristiques nouvellement développées de la voiture qui m’intéressait. « Comme il est dit ici à la page 44, si vous conduisez à 48 km/h ou moins, peu importe à quel point le nid-de-poule que vous frappez est traître, vous n’endommagerez pas la suspension de votre véhicule et ne désalignerez pas le système de direction. Il suffit de ne pas dépasser cette vitesse. » Il a poursuivi, d’un ton prudent : « Toutefois, si vous frappez un nid-de-poule au-dessus de cette vitesse, eh bien, vous pourriez perdre une roue. » Il a ensuite pointé vers l’odomètre numérique sur le tableau de bord. « De plus, pour vous rappeler que vous feriez mieux d’être sur une chaussée lisse lorsque vous roulez au-dessus de cette vitesse, les chiffres sur l’odomètre sont affichés en jaune une fois que vous atteignez 49 km/h, ce qui signifie que vous devez faire preuve de prudence! »

Après avoir exprimé mon étonnement, j’ai posé des questions sur l’autre fonctionnalité nouvellement développée. « Celle-ci est encore mieux », a-t-il dit en souriant. « Elle entre en jeu lorsque vous changez soudainement de direction dans une situation d’urgence, par exemple si vous faites un virage brusque pour éviter un cerf qui vient de sauter devant vous. » Comme je vis à la campagne, j’étais très intéressé par cette fonctionnalité et j’ai demandé une explication. « Eh bien, a-t-il poursuivi, si vous conduisez à 60 km/h ou moins, vous pouvez faire un virage soudain, et vous avez la certitude que la voiture ne fera pas un tonneau. » Il a alors attiré mon attention sur le manuel : « Vous remarquerez qu’il y a une liste de vitesses pouvant causer des tonneaux. Plus votre véhicule est lourd, plus vous pouvez augmenter votre vitesse. Donc, si vous êtes sur le chemin de l’aéroport avec des passagers et des bagages, vous pouvez faire une embardée pour éviter le cerf à une vitesse plus rapide et ne pas vous retrouver dans le fossé. En revanche, une fois que vous les avez déposés : Ralentissez! »

Ce sont, bien sûr, des caractéristiques de sécurité imaginaires d’une automobile, mais elles servent à illustrer les concepts qui sous-tendent les deux vitesses caractéristiques lorsque nous volons : la Vno, vitesse d’utilisation normale/vitesse maximale de croisière autorisée par la structure, et la Va, vitesse de manœuvre. Je trouve que ces images de voiture aident mes élèves qui suivent la formation théorique au sol à comprendre les limites importantes de la Vno et de la Va.

Avant d’apprendre et de comprendre l’importance de ces vitesses, le groupe a acquis des connaissances à propos du facteur de charge et des forces d’accélérations (forces G) et de l’incidence qu’ils ont sur la vitesse de décrochage d’un aéronef. C’est un contexte nécessaire pour passer au sujet de ces vitesses.

« Ces beaux et jolis nuages blancs gonflés que vous voyez un jour d’été signifient généralement qu’il y a des nids-de-poule dans le ciel », dis-je à ma classe (nous approfondirons ce sujet lorsque nous étudierons la météorologie). Nous pouvons souvent prévoir des turbulences, mais parfois nous ne le pouvons pas, surtout dans le monde de l’aviation générale, où les radars météorologiques sophistiqués ne font généralement pas partie de la gamme d’instruments du poste de pilotage. Toutefois, un pilote compétent connaîtrait les conditions qui pourraient mener à de la turbulence, en particulier la turbulence en air clair. J’insiste sur l’importance de vérifier les comptes rendus météorologiques de pilote (PIREP) pour prendre conscience des possibles conditions turbulentes. Les aviateurs des régions montagneuses doivent être particulièrement vigilants.

B-52 dont l’empennage a été endommagé
Crédit : Wikipedia

En janvier 1964, le B-52 Stratofortress, illustré ici, a rencontré de façon inattendue de fortes turbulences à 14 000 pi au-dessus du niveau de la mer alors qu’il survolait le Nouveau-Mexique. Les contraintes causées par la turbulence étaient trop importantes, dépassant les facteurs de charges, et l’empannage vertical a été cisaillé. Heureusement, l’équipage a pu atterrir en toute sécurité plusieurs heures plus tard.

Une différence clé entre les deux vitesses, Vno et Va, se trouve dans leurs définitions mêmes. Alors que le « no » dans Vno signifie normal operating speed (vitesse d’utilisation normale), la définition la plus souvent donnée est « vitesse maximale de croisière autorisée par la structure ». Le mot clé ici est « croisière ». Si nous revenons à l’analogie de la voiture, la vitesse relative aux nids-de-poule s’applique à la voiture qui roule sur une route, plus ou moins en ligne droite. La Va, en revanche, offre une autre image dans sa définition : « vitesse de manœuvre ». Cette définition implique un certain changement de direction. Pour l’automobile, cela veut dire tourner; pour l’aéronef, il est question de tout mouvement autour d’un des axes : roulis, tangage ou lacet.

Le respect de ces deux vitesses empêchera le pilote de plier, de casser ou de fissurer quelque chose sur l’aéronef.

La partie de la définition de la Va que de nombreux étudiants ont de la difficulté à saisir est l’explication que si un pilote vole à la vitesse de manœuvre ou en dessous, « l’avion décrochera avant qu’il ne se brise ». C’est-à-dire que l’aéronef cessera de voler avant qu’un facteur de charge qui soumettra sa structure à une contrainte excessive ne lui soit imposé. La compréhension de ce phénomène aidera également l’étudiant à comprendre pourquoi la Va diminue à mesure que la masse diminue et vice versa. La logique du pilote débutant dit : « Si je suis plus léger, je devrais être capable d’aller plus vite! »

Nous allons commencer par quelques faits : tout d’abord, doubler l’angle d’attaque double le facteur de charge. En d’autres termes, si je tire soudainement sur le manche et augmente mon angle d’attaque de 3° à 6°, je subirai un facteur de charge de 2, ou 2 g. Ensuite, disons que l’avion dans notre leçon décroche à un angle d’attaque de 16° (l’angle d’attaque critique pour la plupart des petits aéronefs se trouve entre 15° et 18°). Supposons également que notre aéronef a une masse de 3 000 lb et une vitesse de croisière de 120 kt (vitesse indiquée). Pour maintenir le vol en palier à cette masse et à cette vitesse, l’angle d’attaque doit être de 3°. Enfin, le facteur de charge nominale maximal est de +4 g. Au-delà de ce facteur de charge, le constructeur — M. Cessna ou Mme Piper — nous dit dans le manuel d’utilisation du pilote que la structure de l’aéronef subit des contraintes qui sont dangereuses; quelque chose pourrait se plier, se casser ou se fissurer.

Si je devais tirer de toutes mes forces sur le manche et quintupler l’angle d’attaque de 3° à 15°, j’imposerais à l’aéronef un facteur de charge de 5, ce qui dépasse le facteur de charge nominale maximal de 4. Je continuerais à voler parce que l’angle d’attaque critique est de 16°, quelque chose pourrait se plier, se casser ou se fissurer.

Que se passe-t-il si je ralentis à une vitesse indiquée de 100 kt (100 KIAS)? Pour maintenir l’aéronef de 3 000 lb en vol en palier, je dois augmenter mon angle d’attaque à, disons, 4,5°. Cette fois, je tire soudainement sur le manche et quadruple l’angle d’attaque de 4,5° à 18°. Est-ce que je quadruple également le « poids » et impose un facteur de charge de 4? Pas tout à fait! L’avion décrocherait à 16°, deux degrés avant que j’atteigne quatre fois le facteur de charge. En tombant vers l’avant durant le décrochage, l’effort imposé sur les ailes par la charge est soulagé avant d’atteindre le facteur de charge critique de 4, préservant ainsi l’intégrité structurale de l’aéronef.

Maintenant, la question de la masse. Disons que j’atterris et que je me débarrasse de 300 lb de passagers et de bagages avant de décoller à nouveau. À 100 KIAS, avec maintenant une masse de 2 700 lb, le vol en palier n’a besoin que d’un angle d’attaque de 3°. Eh voilà…, nous sommes revenus à notre problème de départ. Solution : ralentir encore plus. La formule généralement acceptée est la suivante : un changement de masse de 2 % (augmentation ou diminution) = un changement de vitesse de manœuvre de 1 %. 300 lb, c’est 10 % de la masse de 3 000 lb avant le déchargement. Nous réduisons donc notre vitesse de 5 %, de 100 KIAS à 95 KIAS. Cela nécessitera une augmentation de l’angle d’attaque à, disons, 4,5°. Nous savons alors que notre manœuvre est sécuritaire.

La classe a déjà appris que la vitesse de décrochage d’un aéronef augmente d’un facteur équivalent à la racine carrée du facteur de charge. Si le facteur de charge est de 2 (comme dans un virage incliné de 60°), la vitesse de décrochage est multipliée par 1,41, soit la racine carrée de 2. Nous pouvons utiliser ce même concept pour comprendre comment la Va est calculée pour un aéronef. Disons que la vitesse de décrochage d’un aéronef est de 55 KIAS et que le facteur de charge nominale maximal, comme dans l’exemple ci-dessus, est de 4. À ce facteur de charge maximal, la vitesse de décrochage doublerait; la racine carrée de 4 est 2. Par conséquent, la vitesse de manœuvre de l’aéronef serait de 110 KIAS : deux fois la vitesse de décrochage de 55 KIAS. En d’autres termes, si l’aéronef vole à une Va de 110 KIAS ou moins il décrochera avant de dépasser son facteur de charge nominale maximal de 4 s’il rencontre une rafale soudaine qui quadruple le facteur de charge.

L’importante question de test concerne un changement de masse lors d’un vol comptant plusieurs escales à travers le pays. Les examinateurs demandent régulièrement aux élèves de recalculer la masse et le centrage pour déterminer un centre de gravité révisé lorsque le carburant a été consommé et que la charge utile de l’aéronef change. Il en va de même pour une vitesse de manœuvre révisée.

Par exemple, un Cessna 172N part avec une masse au décollage de 1 950 lb. Le manuel d’utilisation du pilote indique que la vitesse de manœuvre à cette masse est de 89 KIAS. L’avion vole pendant trois heures, brûlant 10 gal/h (6 lb par gal américain). Après l’atterrissage, 50 lb de bagages sont déchargées, ainsi que le passager arrière, qui pèse 160 lb. Avant de redécoller, le pilote compétent calcule la nouvelle vitesse de manœuvre. Rappelons-nous que 2 % de la masse = 1 % de la vitesse.

Perte de masse en carburant : 3 x 10 x 6 = 180 lb + 50 lb de bagages + 160 lb de passager = 390 lb de perte de masse totale.

Nous devons maintenant déterminer de quel pourcentage la masse au décollage a diminué.

390 ÷ 1 950 x 100 = 20 %. Ainsi, si la masse a diminué de 20 %, la vitesse de manœuvre diminue de 10 %. En décollant pour la deuxième étape du vol avec une masse de 1 560 lb, la nouvelle Va est 89 – 10 % = 80,1 KIAS. Dans le cas de la Va, nous arrondissons toujours vers le bas; c’est ce qui est le plus sûr.

La conscience des élèves-pilotes du changement de vitesse de manœuvre (Va2) lorsque la masse de l’aéronef change est une connaissance essentielle, tout comme la compétence pour le déterminer.

Ne pas respecter cet aspect pourrait causer un stress important chez un pilote novice!