Sécurité psychologique et aviation

par Stuart McAulay, technicien d’entretien d’aéronefs (TEA)

Pendant combien de temps encore devrons-nous étudier les effets de la gestion de la santé mentale sur le bien-être avant d’en faire une maxime acceptée dans le domaine de l’aviation? Dans bien des secteurs de l’industrie, on s’attaque activement aux préjugés associés aux enjeux de santé mentale; toutefois, dans d’autres secteurs, on ne fait que tourner autour du pot. Les efforts soutenus déployés par les personnes qui choisissent de s’investir sincèrement dans le processus de changement permettent de faire progresser la situation, et ce, même pour les personnes qui hésitent encore à s’engager sur le plan humain alors que le milieu de travail évolutif mûrit autour d’elles. Nos milieux de travail, fièrement diversifiés et où un souci est accordé à la sécurité, doivent tenir compte des conséquences de ces hésitations afin de constater en temps réel les effets de l’inaction sur les êtres humains. Si l’on veut établir un milieu de travail réellement progressif, il faut s’assurer que la gestion de la santé mentale n’est pas perçue comme une simple expression à la mode que l’on peut balayer du revers de la main pour maintenir nos vieilles habitudes, comme si de rien n’était.

La sécurité psychologique en milieu de travail est un concept éprouvé qu’il est grand temps de mettre en pratique. Le concept de sécurité physique est déjà reconnu et nous permet de nous protéger les uns les autres, à juste titre, de tout dommage ou risque de dommage. La sécurité psychologique constitue une contrepartie évidente à la sécurité physique, car nous sommes vulnérables à diverses formes de blessures mentales découlant de nos habitudes et nos interactions courantes en milieu de travail. Les risques de développer une maladie mentale en raison d’un préjudice psychosocial au travail sont plus grands que les risques de blessure physique associés à nos conditions de travail quotidiennes. Nous pouvons constater des blessures mentales résultant d’une mauvaise supervision, de l’intimidation, de préjugés et de cultures toxiques. Nous pouvons également prendre une plus grande part de responsabilité pour renverser cette tendance, et ce en commençant par les échelons supérieurs de la hiérarchie. Nous pouvons commencer à envisager les effets positifs des efforts en matière de sécurité psychologique comme une démarche personnelle pour respecter nos engagements quotidiens en faveur de la sécurité et de l’efficacité des transports aériens.

Peu importe de quelle manière nous en sommes arrivés là, il nous incombe tous de jouer un rôle essentiel pour répondre à nos besoins en constante évolution dans le milieu du travail. Nous avons été touchés par une pandémie, qui a eu un effet très perturbateur sur nos vies. Nous sommes confrontés à de nouveaux défis financiers et à une série d’enjeux en matière de santé. Ces problèmes surviennent dans un contexte économique de plus en plus complexe. Ils nous ont également amenés à prendre conscience des problèmes systémiques de santé mentale qui continuent d’alimenter un grand nombre de facteurs de stress sous-jacents. En cherchant à privilégier le profit avant tout, de nombreuses organisations ont fini par se rendre compte que les blessures psychologiques de leurs employés, le haut taux de roulement du personnel et l’épuisement de travailleurs fréquemment sous-estimés entraînaient une pression financière considérable. C’est aussi une réalité dans le secteur du transport aérien, où des gens bien intentionnés tentent chaque jour de trouver un juste équilibre entre leurs conditions de travail et une vie personnelle saine. Après avoir longtemps toléré ce pénible compromis, les employés s’attendent désormais à mener une vie plus digne.

Tant et aussi longtemps que les êtres humains feront partie intégrante de nos activités, nous devrions appliquer certains principes éprouvés et nécessaires pour maintenir en poste les employés qui font de leur mieux pour vivre adéquatement. Il existe aujourd’hui d’excellentes ressources en matière de santé mentale, tout comme il existe des champions de l’industrie qui montrent clairement l’exemple. La clé pour avoir une organisation soucieuse de la santé mentale de ses membres réside dans l’éducation et l’engagement à prévenir les maladies. Un programme de santé mentale organisationnel doit s’articuler autour de trois principes : la prévention, l’intervention et l’adaptation; les responsables doivent être prêts à donner des conseils sur chaque principe en fonction de la situation. Il se peut aussi que l’on n’ait pas encore pris conscience de la nécessité de promouvoir activement le bien-être et de faciliter l’accès des employés à un espace sûr où ils peuvent exprimer leurs préoccupations personnelles. Les programmes entre pairs sont un autre moyen éprouvé pour tenir des conversations ouvertes et assurer le mentorat. Des gestes simples, mais sincères suffisent souvent à faire la différence pour une personne qui ne se sent pas entendue. L’élaboration de bons programmes organisationnels permet aux employés de s’exprimer en toute confiance, sachant qu’un soutien réel est toujours à leur disposition. De toute évidence, la sécurité psychologique est une responsabilité partagée entre l’organisation et l’individu, mais il revient aux gens qui prennent les décisions de mettre en œuvre les changements culturels afin d’assurer un avenir plus radieux.