par Daniel Gustin, chef-instructeur chez Canadian Flight Trainers (en anglais seulement), une école de formation au sol moderne et en ligne dévouée à fournir des expériences d’apprentissage et des solutions positives aux écoles de pilotage, aux pilotes privés et commerciaux ainsi qu’aux instructeurs de vol. Daniel est également un spécialiste de l’éducation aéronautique; il possède notamment de l’expérience en tant qu’instructeur d’acrobaties aériennes, pilote de ligne et instructeur sur simulateur.
Que nous en soyons conscients ou non, la littératie joue un rôle important dans la vie d’un pilote. La lecture de phrases et l’écriture de l’alphabet vous viennent probablement à l’esprit en pensant à la littératie. Les compétences en matière de littératie comprennent ces deux éléments, mais ce n’est que la pointe de l’iceberg. Au sens classique, la littératie est la capacité d’interpréter un texte. Au sens plus large, elle est une fonction de compréhension des langues et des communications.
Les nouveaux médias, notamment les vidéos, les balados et les textes provenant de diverses sources, nous aident à nous préparer pour nos vols, à prendre des décisions judicieuses pendant ceux-ci et à faire un retour sur notre performance globale après un vol. Par exemple, les pilotes utilisent des images provenant des prévisions de zone graphique (GFA) ou d’autres produits météorologiques pour prendre des décisions concernant la sécurité en vol; les élèves-pilotes peuvent se référer aux vidéos publiées en ligne par les écoles de formation au sol pour obtenir des explications sur les moteurs à turbine; les instructeurs de pilotes de ligne peuvent compléter la formation sur simulateur avec des applications interactives de système de gestion de vol (FMS); ou un pilote effectuant un vol selon les règles de vol aux instruments (IFR) peut faire son exposé d’approche de navigation de surface (RNAV) en utilisant la carte sur sa tablette. Chacun de ces exemples met à contribution des plateformes médiatiques très différentes, mais ils font tous appel à des compétences liées à la littératie qui nous poussent à décortiquer l’information et à utiliser ce qui nous est communiqué.
Dans notre environnement hautement réglementé, nous sommes tenus de lire, d’interpréter et d’appliquer correctement de nombreuses formes de documentation avant et pendant un vol. Parmi ces documents, citons le Règlement de l’aviation canadien (RAC), les procédures d’utilisation normalisées (SOP) de votre compagnie aérienne, le manuel d’exploitation d’une école de pilotage, un manuel de contrôle de maintenance ou même une politique sur les uniformes. Les exemples ci-dessus ont le pouvoir de dicter et de contrôler la façon dont un pilote effectue son vol souhaité. Les politiques, les dispositions réglementaires et les SOP construisent et contrôlent l’environnement dans lequel vous volez. Cela peut sembler effrayant, mais ce n’est pas forcément le cas. Examinons ensemble quelques exemples fictifs.
Le RAC prévoit qu’il est interdit d’utiliser un aéronef au-dessus de zones bâties à une altitude de moins de 1 000 pieds au-dessus du sol. En gardant cette règle à l’esprit, un pilote peut opter pour une autre trajectoire de vol qui peut être légèrement plus longue, mais qui sera en fin de compte plus sûre pour lui. Dans un autre ordre d’idée, à Winnipeg, un élève se présente à l’école de pilotage et dit qu’il souhaite faire un vol. Les conditions météorologiques sont sous les minimums prescrits par l’école de pilotage. L’instructeur décide donc d’effectuer la formation aux instruments dans le simulateur. Ainsi, on épargne les conditions hivernales du Manitoba aux pilotes, mais ils peuvent tout de même faire avancer la formation des élèves.
Les politiques et la documentation peuvent nous protéger et nous guider, comme c’est le cas dans les deux exemples précédents. En revanche, elles peuvent également avoir des conséquences inattendues au sein d’une organisation. Prenons, par exemple, un exploitant aérien dont les SOP prévoient que seuls les commandants sont autorisés à faire des annonces aux passagers. Une telle procédure écrite peut dévaloriser le premier officier, rendre la formation en vue de devenir commandant plus difficile et renforcer une hiérarchie verticale dans le poste de pilotage. Par ailleurs, dans un grand collège d’aviation, les élèves ont peur de dénoncer des politiques oppressives qui restreignent gravement leur liberté, car ils craignent de devenir la cible de répercussions. En raison de la nature de leur programme de pilotage, les élèves ont peur d’explorer les possibilités, de faire des erreurs et de défendre les points qu’ils croient être justes.
La littératie est plus que de simples mots et images. Elle construit notre société, nos écoles de pilotage, nos opérations aériennes et nos exploitants aériens. Elle différencie un premier officier d’un commandant, un instructeur de vol d’un élève et un pilote de ligne d’un pilote privé. Votre capacité à être bien informé dans votre rôle de chef-instructeur de vol, de pilote en chef ou d’élève-pilote a une incidence sur votre capacité à exercer vos fonctions. Les pilotes qui connaissent mieux les lois, les conceptions sociales de leur organisation et les documents d’orientation disposent d’un ensemble de compétences plus vaste, de meilleures capacités de prise de décision et d’une compréhension plus approfondie des principes d’aviation et de sécurité que les autres.
Pour réfléchir à ce sujet, je vous demande de prendre le temps de vous questionner sur quelques points :
- Comment intégrez-vous la littératie dans votre enseignement?
- Pensez à une politique de l’école ou de la compagnie qui vous est familière. Quelles sont les conséquences inattendues de cette politique?
- Dans quelle mesure parvenez-vous à trouver des renseignements pertinents quant à votre rôle de pilote?
- Êtes-vous au fait de politiques qui créent des dynamiques de pouvoir ou des hiérarchies différentes au sein de votre organisation? Quel rôle jouez-vous à cet égard?