Le rôle et le modèle de valeur ajoutée de Transports Canada / La sécurité ferroviaire dans l’innovation fondée sur la technologie

  • Dans le cadre de l’examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire de 2017-2018

Préparé par : John Coleman

Ce document a été demandé pour aider l’Examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire (l’Examen) de 2017-2018 à évaluer le cadre réglementaire qui permet le déploiement de technologies ferroviaires améliorant la sécurité ainsi que son rythme d’adoption. Ce document est le produit des éléments suivants: 

  • une recherche documentaire;
  • une analyse des  mémoires de l’Examen;
  • un atelier sur les technologies;
  • l’expérience personnelle; et
  • des entrevues effectuées auprès de Transports Canada, de représentants de l’industrie (p. ex. compagnies de chemin de fer, fournisseurs de technologies, etc.) et de chercheurs.  

Deux objectifs principaux sont définis (lesquels ont donné lieu à trois recommandations) : le rôle de la Sécurité ferroviaire dans l’avancement sécuritaire, rapide et efficace de la recherche et de la technologie; un modèle de valeur ajoutée pour aider la Sécurité ferroviaire à assumer un tel rôle.

Ce document comporte six parties :

  1. les principes d’innovation technologique et les progrès du secteur ferroviaire ;
  2. le cadre théorique pour comprendre comment la technologie réduit les probabilités de défaillances ;
  3. des cas concrets de technologie ferroviaire et les effets du cadre réglementaire sur son adoption;
  4. les raisons expliquant l’exaspération des compagnies de chemin de fer quant aux obstacles réglementaires perçus ;
  5. l’avenir de la technologie et la façon dont les compagnies de chemin de fer le percevront; et
  6. le rôle et le modèle de valeur ajoutée de la Sécurité ferroviaire.
  1. La découverte scientifique entraîne l’innovation technologique qui mûrit en fonction de « niveaux de préparation en technologie ». Les obstacles réglementaires empêchent la maturité, parce qu’ils retardent l’adoption de nouvelles technologies et n’encouragent pas les concepteurs à réaliser des progrès. La réduction des accidents ferroviaires au cours des vingt dernières années peut être attribuée principalement à la capacité des compagnies de chemin de fer de travailler en dehors du cadre réglementaire pour évaluer le rendement des biens physiques et détecter les défaillances imminentes. Sur les 24 technologies échantillonnées, plus de 80 % (en nombre) ne sont pas reconnues dans le cadre réglementaire actuel. Alors que la technologie peut surveiller la sécurité au-delà des exigences réglementaires, les compagnies de chemin de fer connaissent un succès limité à demander au gouvernement des mises à jour de la réglementation. Actuellement, les compagnies de chemin de fer soutiennent que la stagnation réglementaire freine l’adoption de technologies favorisant la sécurité, étant donné qu’aucun changement au cadre réglementaire depuis 2010 ne semble avoir accéléré leur adoption.
  2. Sans définir leur signification ni fixer des cibles numériques, la Loi sur la sécurité ferroviaire (Loi) utilise les termes « sécuritaire » et « sécurité », et elle fait vaguement référence à la réalisation de « niveaux les plus élevés de sécurité ». Pour y remédier, l’état final, soit « d’être sécuritaire », est remplacé dans la réglementation par des indicateurs subordonnés (facteurs représentatifs). Le rôle de la technologie est d’appliquer les facteurs représentatifs de la sécurité, même si certaines compagnies de chemin de fer critiquent le fait que les dérogations recherchées aux méthodes existantes (facteurs représentatifs) sont motivées par des économies au niveau des coûts. Après tout, l’organisme de réglementation n’empêche pas les compagnies de chemin de fer d’utiliser les nouvelles technologies. Il ne fait que superposer les méthodes existantes. 
  3. Huit cas concrets présentés illustrent la diversité des situations où la technologie est adoptée, reportée ou dissuadée. Dans la plupart des cas, la technologie de base a 10 ou 20 ans, même si des mises à jour continuent d’être effectuées.
  4. Lorsque les méthodes mises en place par l’organisme de réglementation et les méthodes favorisant les technologies se superposent, les coûts augmentent de façon disproportionnée, alors que les avantages supplémentaires en matière de sécurité sont limités, ce qui exaspère l’industrie.  Même si la superposition n’empêche pas les améliorations de sécurité, l’organisme de réglementation pourrait inférer ne pas être totalement satisfait à l’égard du  progrès d’une mise à niveau technologique proposée par les compagnies de chemin de fer.
  5. L’avenir réside dans le maintien en baisse du taux d’accidents par les compagnies de chemin de fer, et dans l’assurance publique fournie par l’organisme de réglementation comme quoi les mécanismes de gouvernance répondent autant aux attentes du public qu’aux compagnies de chemin de fer en matière de sécurité. Même si une bonne partie des  innovations récentes dans les technologies de sécurité ferroviaire proviennent du secteur des hautes technologies, les progrès futurs proviendront probablement de domaines tels que les mathématiques, l’analyse des données et la gestion de l’obsolescence. En outre, les priorités de gestion de la sécurité viseront la robustesse des réseaux de communication au lieu de la robustesse mécanique, et ce, grâce à la technologie liée à la cyber sécurité. Le cadre réglementaire devra s’adapter à l’évolution technologique à l’instar de  l’industrie.    
  6. En comparaison avec son rôle traditionnel consistant à effectuer des inspections et des audits, l’organe de réglementation aura de la valeur ajoutée en questionnant les nouvelles technologies et en démontrant, à la satisfaction du  public, que le système est sécuritaire. Pour que ce rôle soit efficace, il devra  englober les six domaines suivants :
    • disposer de facteurs représentatifs de la sécurité qui sont réalistes et de niveau supérieur;
    • établir des critères d’équivalence en matière de sécurité;
    • faire de la promotion et effectuer des projets pilotes;
    • prendre une décision concernant la technologie en vue de l’adoption réglementaire;
    • parrainer des initiatives technologiques;  et
    • mettre à jour les règles et les règlements.

En conclusion, les caractéristiques culturelles et les capacités essentielles de la Sécurité ferroviaire doivent mettre l’accent sur la science et la technologie en vue d’une adoption plus rapide des technologies permettant d’améliorer la sécurité ferroviaire. La Sécurité ferroviaire doit passer d’un système de valeurs principalement « conservateur » à un système « négociateur » afin de maintenir sa pertinence. Trois recommandations sont formulées pour réaliser ce changement :

  • fixer des cibles de sécurité quantitatives dans la Loi (c.-à-d. pourcentage-réductions ou taux maximums de défaillances permises);
  • bâtir la culture organisationnelle de la Sécurité ferroviaire ainsi que ses capacités essentielles en science et  technologie;
  • et créer un cadre de travail favorisant  l’expérimentation et la recherche.