Sommaire de recherche - comparaisons internationales

  • Dans le cadre de l’examen de la loi sur le pilotage

KPMG

Janvier 2018

La position du Canada en tant que pays commerçant de premier plan dépend de sa capacité de faire face à la concurrence dans tous les éléments de la chaîne d’approvisionnement. La compétitivité repose non seulement sur les coûts, mais aussi sur la performance de chaque élément de la chaîne d’approvisionnement sur les plans de la sécurité, de la responsabilité, de l’efficacité et de la rapidité. L’efficacité optimale du pilotage maritime contribue à celle du système de transport maritime canadien, ce qui procure au pays un avantage concurrentiel sur le marché mondial. Selon le mémoire que l’Association des pilotes maritimes du Canada a présenté en juin 2016 à l’honorable Marc Garneau, ministre des Transports, les services de pilotage canadiens sont parmi les plus concurrentiels au monde sur le plan des coûts.

Au Canada, la Loi sur le pilotage a été adoptée en 1972 et elle constitue le cadre législatif de la prestation des services de pilotage maritime. Cette loi a entraîné la création de quatre administrations de pilotage pour assurer et maintenir des services de pilotage sécuritaires et efficaces. Ces administrations sont des sociétés d’État qui fonctionnent indépendamment du gouvernement du Canada. Le pilotage est obligatoire dans les zones désignées, à quelques exceptions près pour les petits bâtiments, certains bâtiments canadiens et ceux qui sont pilotés par un navigateur agréé. Les administrations de pilotage établissent leurs propres tarifs et doivent être financièrement autonomes. Il est important de reconnaître que chaque administration de pilotage est différente des autres, non seulement du point de vue de ses structures tarifaires, mais aussi en ce qui concerne divers autres aspects de ses activités.

La plupart des pays, y compris ceux de l’Union européenne, les États-Unis et le Canada, ont conclu que l’intérêt public et la sécurité maritime sont mieux servis par des services de pilotage fournis de façon exclusive par un seul groupe de pilotes dans une zone obligatoire donnée. Dans certains cas, ces services sont fournis par des entités publiques, tandis que dans d’autres, ils sont assurés par un seul fournisseur privé. L’état actuel du système de pilotage au Canada et les différentes approches de pilotage qui sont déjà en place dans d’autres régions du monde, ou qui font l’objet d’essais en vue d’une application éventuelle, offrent l’occasion d’examiner les fondements de la prestation des services de pilotage au Canada. Il s’agira notamment d’étudier le potentiel offert par les nouvelles technologies et par d’autres modèles d’exploitation et de gouvernance, ainsi que d’envisager le recours à une réglementation pour obtenir des résultats équivalents ou meilleurs.

Cette étude vise à fournir à Transports Canada un aperçu de l’information pertinente concernant les cadres législatifs, les structures de gouvernance et la prestation des services de pilotage maritime dans la mesure où l’information peut être soit recueillie auprès de sources accessibles au public, soit communiquée par des personnes interrogées qui travaillent au sein d’organismes offrant de tels services. Le présent rapport contient les constatations de l’étude de KPMG sur les modèles utilisés dans seize administrations de pilotage retenues dans divers pays et suggère des pratiques qui pourraient être adaptées au contexte canadien.

Modèles de pilotage

Dans le contexte du présent rapport, l’expression « modèle de gouvernance et d’exploitation » désigne l’exploitation et la gestion du service de pilotage. Par exemple, au Canada, les services de pilotage sont exploités et gérés par des sociétés d’État.

Les recherches effectuées indiquent qu’il existe trois types fondamentaux de modèles de gouvernance et d’exploitation appliqués dans l’industrie du pilotage partout dans le monde :

Gouvernement – le gouvernement fédéral ou l’administration locale exploite et gère le service de pilotage;

Société d’État ou entité contrôlée par le gouvernement – soit une administration portuaire (qui peut être publique ou privée) qui exploite et gère le service de pilotage;

Secteur privé – le secteur privé exploite et gère le service de pilotage.

Chacun de ces trois modèles peut offrir diverses formules de services de pilotage. Chacun sera présenté comme un modèle indépendant, mais, en pratique, les limites entre les différents modèles sont parfois floues et des modèles « hybrides » pourraient être envisagés. Les responsabilités réparties entre le gouvernement et le secteur privé varient selon les modèles d’exploitation. Au total, dix modèles différents sont décrits dans le présent rapport. Les principales différences au chapitre des responsabilités entre les dix modèles peuvent se résumer comme suit :

  • la responsabilité du risque commercial? (p. ex., fluctuation de la demande de pilotage, fluctuation des coûts);
  • l’exploitation quotidienne du service de pilotage;
  • la propriété des biens (bateaux-pilotes/quais).

Tous les modèles identifiés n’étaient pas représentés par une étude de cas choisie pour ce projet. Néanmoins, la comparaison des modèles potentiels et de leurs forces et faiblesses est révélatrice. Le fait que certains des modèles possibles n’aient été adoptés dans aucune des administrations visées dans le présent rapport laisse penser que ces modèles pourraient être sous-optimaux ou viciés par des inconvénients majeurs. Le tableau ci-dessous résume les principales forces et faiblesses supposées ou observées parmi les dix modèles potentiels de prestation de services de pilotage qui ont été analysés.

 

Modèle d’exploitation Principales forces Principales faiblesses
Modèle 1 – Services de pilotage gérés par le gouvernement fédéral
  • Le gouvernement conserve le contrôle sur la qualité et la sécurité du service.
  • Potentielles synergies avec l’infrastructure du Ministère et possibilité de réaliser des économies grâce à de meilleurs taux d’intérêts sur les emprunts.
  • Peu de souplesse pour apporter des changements à court terme au service de pilotage.
  • Le gouvernement demeure imputable quant aux activités relatives au service de pilotage.
Modèle 2 – Services de pilotage gérés par une société d’État
  • Des processus décisionnels plus rapides permettent une plus grande souplesse par rapport au modèle 1.
  • Disponibilité de différentes options de financement.
  • Le gouvernement perd un peu de contrôle sur les services offerts.
  • Risque de gestion complaisante de la part de la société d’État, ce qui pourrait limiter les possibilités de recherche et de mise en œuvre d’innovations.
Modèle 3 – Services de pilotage gérés par une administration municipale, régionale ou provinciale
  • Les administrations locales peuvent adapter le service à leurs besoins particuliers.
  • Possibilité de stimuler la concurrence entre les régions pour attirer plus de clients.
  • Exige un nouveau cadre stratégique et l’adhésion d’autres ordres de gouvernement.
  • Réduction des possibilités d’économies d’échelle.
Modèle 4 – Services de pilotage gérés par une entité autonome
  • Le gouvernement peut conserver un certain contrôle.
  • Plus grandes possibilités d’innovation grâce à l’apport d’intervenants de l’extérieur.
  • Possibilité de création de valeur par transfert.
  • Il est difficile d’apporter des changements si le mandat initial comporte des lacunes.
  • L’intérêt potentiel est limité compte tenu de la petite taille de l’industrie.
Modèle 5 – Services de pilotage gérés par le port lui-même
  • Les ports pourraient adapter le service en fonction de leurs besoins et de leurs projets, et ils seraient encouragés à se moderniser.
  • Possibilité de création de valeur par transfert.
  • Résistance possible des ports à assumer de nouvelles responsabilités et de nouveaux coûts.
  • La fragmentation réduit les possibilités d’économies d’échelle.
Modèle 6 – Services de pilotage gérés par des pilotes brevetés; monopole réglementé
  • Le gouvernement n’a aucune responsabilité opérationnelle.
  • Les pilotes peuvent être incités à améliorer le service, en particulier les conditions de travail.
  • Cela pourrait aider à attirer un plus grand nombre de candidats.
  • Il faut une réglementation rigoureuse pour prévenir l’abus résultant du pouvoir monopolistique.
  • Les pilotes pourraient agir dans leur seul intérêt et prendre des décisions qui ne profitent pas au public.

 

Modèle 7 – Services de pilotage gérés par des pilotes brevetés; associations de pilotes en concurrence réglementée
  • Le gouvernement n’a aucune responsabilité opérationnelle.
  • La concurrence pourrait stimuler l’innovation, les gains d’efficacité et, au bout du compte, réduire les coûts d’utilisation.
  • En cherchant à réduire les coûts, les pilotes en situation de concurrence pourraient compromettre la sécurité de la navigation.
  • Le dédoublement des infrastructures pourrait entraîner des coûts plus élevés.
  • Les obstacles à l’entrée pourraient limiter la venue de concurrents.
Modèle 8 – Services de pilotage gérés par une société; monopole réglementé
  • Le gouvernement n’a aucune responsabilité opérationnelle.
  • Possibilité de monétisation et de nouvelles sources de revenu imposable.
  • Des options d’exploitation et de financement novatrices pourraient être proposées par des intervenants externes de l’industrie.
  • Le secteur privé pourrait se montrer peu ou pas intéressé à cet égard.
  • La société pourrait abandonner le service.
  • Les pilotes pourraient résister aux nouvelles conditions d’emploi.
Modèle 9 – Services de pilotage gérés par des sociétés; concurrence réglementée
  • Le gouvernement n’a aucune responsabilité opérationnelle.
  • La concurrence pourrait stimuler l’innovation.
  • Les gains d’efficience pourraient entraîner une réduction des coûts d’utilisation.
  • En cherchant à réduire les coûts, les sociétés concurrentes pourraient compromettre la sécurité de la navigation.
  • Les obstacles à l’entrée pourraient limiter la venue de concurrents.
Modèle 10 – Service de pilotage géré par les armateurs
  • Le gouvernement n’a aucune responsabilité opérationnelle.
  • Les armateurs pourraient apporter des changements qui profiteraient à l’industrie du transport maritime.
  • Ils ne pourraient pas se plaindre des coûts ou de la qualité du service.
  • Les intervenants dominants pourraient bloquer les concurrents.
  • Une opposition possible du public au contrôle étranger d’un service essentiel.
  • Le public pourrait aussi croire que les normes de sécurité inférieures augmentent les risques d’accident.

Constatations tirées des études de cas

Afin de poursuivre les recherches et d’analyser la façon dont ces modèles fonctionnent en pratique, 16 modèles de prestation de services de pilotage dans le monde entier ont été retenus comme études de cas. Comme mentionné ci-dessus, les études de cas ne représentaient pas tous les modèles précédemment énumérés. Le tableau ci-dessous résume les types de modèles représentés dans les études de cas choisies pour l’analyse.

  Canada Alaska Brésil Brisbane (Australie) Danemark (traversées de la mer Baltique seulement) Danemark (sauf les traversées de la mer Baltique) France Allemagne Japon Corée Louisiane Pays-Bas New York Nouvelle-Zélande Singapour R.­U. États-Unis (gouvernement fédéral) Washington
Modèle 1 – Services de pilotage gérés par le gouvernement fédéral         x                          
Modèle 2 – Services de pilotage gérés par une société d’État x                           x      
Modèle 3 – Services de pilotage gérés par les administrations municipales, régionales ou provinciales                                    
Modèle 4 – Services de pilotage gérés par une entité autonome                                    
Modèle 5 – Services de pilotage gérés par les administrations portuaires                           x   x    
Modèle 6 – Services de pilotage gérés par des pilotes brevetés; monopole réglementé   x x       x x x x x x x       x x
Modèle 7 – Services de pilotage gérés par des pilotes brevetés; associations de pilotes en concurrence réglementée     x x   x                        
Modèle 8 – Services de pilotage gérés par une société; monopole réglementé                                    
Modèle 9 – Services de pilotage gérés par une société; concurrence réglementée                                    
Modèle 10 – Services de pilotage gérés par les armateurs     x                              

Pour chacune des administrations retenues, onze aspects ont fait l’objet de recherches et d’analyses. Lorsqu’il n’y avait aucune information publique sur des aspects particuliers, KPMG a mené des entrevues auprès de représentants des administrations ou des entreprises de pilotage afin de recueillir des renseignements dans la mesure où les personnes interrogées étaient en mesure de divulguer des détails précis. On trouvera une description détaillée des constatations liées à chacun des secteurs de compétence dans les résumés des études de cas à l’annexe A.

Les constatations générales relatives aux onze aspects de l’exploitation et de la gouvernance sont résumées ci-dessous.

Gouvernance et  prestation de services

En ce qui concerne les services de pilotage, le rôle de l’organisme de réglementation est généralement lié à l’élaboration, et parfois à l’application, des règlements de sécurité relatifs au pilotage. L’organisme de réglementation est habituellement distinct de l’organisme de prestation de services (bien que l’organisme de réglementation et l’organisme de prestation de services puissent appartenir tous deux au secteur public), ce qui permet d’assurer une relation sans lien de dépendance afin de surveiller la prestation des services de pilotage. L’étude a révélé qu’il existait divers types de relations entre l’organisme de réglementation et l’organisme de prestation de services. Dans certains cas, la gouvernance et la prestation de services étaient assurés par des entités distinctes, alors que dans d’autres, il s’agissait de la même entité.

En général, la plupart des services de pilotage sont supervisés par un organisme gouvernemental, et la structure des organismes de prestation de services de pilotage peut varier selon qu’il s’agisse du secteur public, d’une société d’État ou d’une société privée. Tous les organismes de pilotage ont des représentants élus, en général des membres ou des employés de l’organisme, qui siègent à un conseil d’administration.

Cadre législatif

Le cadre législatif des services de pilotage relève habituellement d’une loi gouvernementale et définit généralement des aspects tels que les dispositions relatives à la sécurité et à la formation des pilotes, le mode d’application des règlements et l’établissement des tarifs. La portée des cadres législatifs varie considérablement d’un cas à l’autre et, assez logiquement, les lois sur le pilotage relèvent généralement d’un ministère responsable des transports.

Les études de cas ont permis de constater qu’en général, les dispositions relatives à la sécurité et la désignation des zones de pilotage obligatoire sont établies au niveau national, sauf à Brisbane, en Australie, et aux États-Unis où le pilotage est régi par l’État. Dans les cas où la loi sur le pilotage relève du gouvernement national, des lois et des règlements locaux stipulent parfois d’autres exigences, comme les conditions de délivrance des brevets de pilote et les conditions de travail.

Portée de la réglementation

Parmi les administrations visées par les études de cas, il existe diverses relations entre l’organisme de réglementation et le modèle de prestation des services de pilotage. Dans certains cas, le même organisme supervise à la fois la réglementation et la prestation des services de pilotage; dans d’autres cas, les deux fonctions relèvent d’organismes distincts. Parmi les études de cas examinées, on a noté que la portée de la réglementation couvrait généralement les zones de pilotage obligatoire et d’autres attributs de navire ou de fret qui nécessiteraient des services de pilotage obligatoire. L’ampleur et la portée de la réglementation variaient d’une étude de cas à l’autre; certaines administrations respectent un modèle plus centralisé, tandis que d’autres ont choisi de déléguer la détermination des services de pilotage et des exemptions aux administrations locales ou aux administrations portuaires.

Certaines questions de réglementation particulières font l’objet d’une discussion plus détaillée ci‑après.

Critères de formation et de délivrance des brevets

Dans la plupart des études de cas, l’organisme de réglementation détermine les qualifications minimales nécessaires pour être admissibles au programme de délivrance des brevets. En général, c’est l’organisme de réglementation qui détermine le programme de formation que les candidats doivent suivre pour obtenir un brevet de pilote complet. Dans de nombreux pays, la formation et la délivrance de brevet sont assurées et contrôlées par l’organisme de réglementation (p. ex., au Brésil et en Louisiane), mais d’autres pays confient leur administration aux organismes de de pilotage privés, selon des normes gouvernementales établies par la réglementation (comme aux Pays‑Bas). Les plus grands écarts entre les exigences des administrations examinées dans les études de cas relativement à la formation concernent la formation continue après la certification d’un pilote. Ainsi, chaque administration examinée dans les études de cas a établi des règles et une fréquence des rappels de formation (lorsqu’il y en a) différentes pour que les pilotes conservent leur qualification.

Dans la plupart des cas, des brevets sont délivrés aux pilotes pour des zones de pilotage obligatoire précises (appelées régions géographiques dans les études de cas qui figurent dans le rapport), mais dans certains pays (comme la Nouvelle-Zélande), il est possible de se qualifier pour la prestation de services de pilotage dans plusieurs régions. Cette pratique est généralement observée dans les pays qui possèdent une géographie variée ou qui confient la réglementation du pilotage à l’État ou à l’administration portuaire.

Les systèmes de délivrance d’un brevet varient d’un pays à l’autre, et certains utilisent un système de brevet progressif. Un système progressif permet aux pilotes débutants d’acquérir de l’expérience sur des navires plus petits ou comportant moins de risques avant d’être qualifiés pour tous les types de tâches de pilotage. Ce système pourrait être intéressant pour renforcer la sécurité des services de pilotage au Canada.

Modèle basé sur la main-d’œuvre

Dans bon nombre d’administrations examinées dans les études de cas (p. ex. les États-Unis et de nombreuses autres administrations), les pilotes sont des entrepreneurs indépendants et sont souvent affiliés à une association de pilotes. Les rôles d’une telle association sont multiples, allant de la promotion des règles de pilotage et des services d’affectation aux navires, à une participation plus directe à la l’établissement de la réglementation sur le pilotage et des niveaux de service. Bien que l’affiliation à une association de pilotes ne soit pas obligatoire dans toutes les administrations, certains pilotes, comme ceux à New York, sont tenus par la loi de faire partie d’une telle association pour avoir le droit d’offrir des services de pilotage. Certaines associations de pilotes peuvent agir au même titre que des syndicats afin de défendre les intérêts des pilotes et négocier en leur nom en ce qui concerne la réglementation, la formation et la rémunération.

Dans les administrations où les pilotes ne sont pas obligés d’être membres d’une telle association, l’organisme joue habituellement un rôle plus passif et ses activités ont moins d’influence sur les activités quotidiennes et les niveaux de revenu des pilotes. En Nouvelle-Zélande, par exemple, tous les pilotes sont des employés par des administrations portuaires ou des conseils locaux, mais ils sont tous membres d’une association professionnelle.

Dans les études de cas, les administrations avaient généralement des objectifs de concurrence qui leur étaient propres. Pour atteindre leurs objectifs, certaines administrations ont adopté différents modèles de réglementation afin de gérer le nombre de pilotes et, indirectement, leur niveau de revenu. Les modèles basés sur la main-d’œuvre ont également évolué au fil du temps, bien que les raisons de ces changements aient été attribuées à un large éventail de facteurs.

Propriété des biens

Les actifs utilisés pour la prestation des services de pilotage sont habituellement la propriété de l’association à qui incombe la réglementation économique du service. Dans les études de cas, on a pu observer que l’entité qui contrôle les tarifs des services de pilotage contrôle également les actifs nécessaires à leur prestation, à quelques exceptions près. Elle est par exemple propriétaire des bateaux‑pilotes, des infrastructures de communication et des espaces à bureaux. Ainsi, les types de biens qui sont contrôlés par des associations de pilotes (ou directement par des pilotes) varient selon les fonctions et les services offerts. La propriété de ces actifs représente des frais généraux, notamment lorsqu’il s’agit de leur remplacement, de l’entretien et de l’amortissement dans le temps. C’est la principale raison pour laquelle les services de pilotage préfèrent en être propriétaires. La mesure dans laquelle ces coûts sont partagés entre les pilotes a probablement une incidence sur la tarification et le rendement financier des services de pilotage dans différentes administrations. La propriété des biens a également des répercussions en aval, dans des domaines comme la sécurité des pilotes et la qualité du service.

Les associations de pilotes qui possèdent également leur propre matériel profitent directement de la sécurité, de l’efficacité et de la qualité du service assurées par des équipements entretenus correctement. À ce titre, ces organismes, sous la direction de leur conseil d’administration (ou l’équivalent) et de l’assemblée générale (pilotes membres), ont moins de difficultés que les organismes qui œuvrent avec un modèle où la prestation de services est presque entièrement distincte de la propriété des biens.

Structure de la tarification

Dans la plupart des administrations, les tarifs sont réglementés et doivent être calculés selon une méthode standard. Dans les cas où les pilotes ou les organisations de pilotes ont la possibilité de fixer ou de négocier directement les frais de pilotage, le gouvernement intervient parfois comme arbitre tiers. Ainsi, si le pilote ou l’organisation de pilotes n’arrive pas à s’entendre avec l’armateur sur un tarif, le gouvernement met en place des dispositions fixant un « plafond » théorique ou un montant décidé par arbitrage. En général, ces mécanismes sont destinés à maintenir un mouvement ininterrompu des bâtiments et à donner une certaine assurance qu’ils seront en mesure de mouiller ou de naviguer dans les eaux visées.

Nos recherches ont indiqué que les mécanismes de contrôle des prix, en modifiant les tarifs ou les structures, sont un élément clé de toute approche réglementaire utilisée par les administrations étudiées et qu’ils ont une grande incidence sur la rémunération des pilotes. En outre, ils constituent souvent un point litigieux dans l’optique des usagers (armateurs / agents), ce qui donne parfois lieu à des procédures d’appel lorsque de nouveaux tarifs sont appliqués.

Rendement financier et gestion

Comme la structure organisationnelle des organismes responsables des services de pilotage examinés diffère, les renseignements financiers qui pouvaient être recueillis auprès de sources accessibles au public et durant les entrevues ont également varié. On a constaté que les organismes qui sont plus étroitement liés aux services publics adoptent généralement une structure financière de recouvrement des coûts et sont moins axés sur le profit. L’inverse semble être aussi vrai lorsque les services de pilotage sont offerts par des sociétés privées qui cherchent davantage à augmenter leurs profits. En fin de compte, c’est la structure organisationnelle de l’organisme responsable de la prestation des services de pilotage qui déterminera ses objectifs financiers. Par exemple, en Australie, le pilotage est assuré en partenariat. À Singapour, une société privée à but lucratif, dans laquelle le gouvernement de Singapour est l’actionnaire majoritaire, offre les services de pilotage (ce qui explique pourquoi elle est considérée comme une « société d’État » ci-dessus). Ces organismes ont d’ailleurs indiqué qu’ils avaient comme objectif de maintenir la rentabilité pour leurs actionnaires et leurs partenaires.

La gamme des outils de gestion financière et la capacité d’un service de pilotage de survivre aux ralentissements de l’activité commerciale varient également selon la diversité des autres services fournis par l’organisme. Par exemple, les services de pilotage offerts par les administrations portuaires (p. ex., en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni) absorbent généralement mieux les fluctuations du trafic, des revenus et des coûts, car les sources de revenus de l’organisme sont plus diversifiées, ce qui fait que l’administration gère les risques sur l’ensemble du portefeuille.

Résultats en matière de sécurité et d’efficacité

Les renseignements disponibles pour indiquer le rendement d’un organisme de services de pilotage en matière de sécurité et d’efficacité étaient limités. Au Canada, les administrations de pilotage doivent présenter régulièrement leurs dossiers de sécurité au public.

En général, dans les études de cas, on a observé que l’organisme de réglementation établit des normes de sécurité pour les associations de pilotes. Ces normes imposent un niveau de sécurité minimal, mais les associations de pilotes appliquent parfois des normes plus rigoureuses à la demande des armateurs ou de l’organisme de réglementation. Nos études de cas montrent que les administrations tendent dorénavant à utiliser la Norme internationale pour les associations de pilotes maritimes (ISPO). L’adoption de normes internationales est considérée par certains organismes comme un moyen de clarifier le processus d’établissement des règles, car les organismes de réglementation appliquent des normes reconnues à l’échelle internationale plutôt que des règles élaborées à l’échelle locale.

Autres enjeux importants

Quatre autres enjeux majeurs ont été soulevés en ce qui concerne les services de pilotage offerts par les administrations ayant fait l’objet des études de cas :

  1. Planification de la relève : De nombreuses administrations ont de la difficulté à attirer en nombre suffisant des candidats qualifiés pour remplir les postes de pilote. Cela touche certains secteurs des organismes, tels que le modèle d’exploitation, la rémunération, la structure de coûts, la formation, les normes de certification et les niveaux de dotation.
  2. Introduction de nouvelles technologies : Certaines associations de pilotage ont noté les risques associés à la réduction des heures d’apprentissage ou de stage des pilotes admissibles, car les simulateurs à eux seuls n’enseignent pas aux pilotes l’utilisation des indices non visuels (sons, conditions météorologiques et circuits de navigation). Beaucoup d’intervenants de l’industrie parlent déjà de l’avènement du navire autonome, même si certaines personnes interrogées estiment que pour l’instant, cette technologie pourrait ne pas assurer une sécurité suffisante. Par conséquent, l’adoption de cette technologie a été lente et l’industrie est demeurée peu enthousiaste quant aux possibilités qu’elle offre. 
  3. Sécurité : La sécurité des pilotes maritimes à bord des navires est également un problème de plus en plus évoqué. De l’avis général, la phase la plus critique et la plus risquée dans une affectation de pilotage est le moment où les pilotes montent à bord des navires. Bien que le transport des pilotes par hélicoptère puisse être relativement plus sécuritaire et plus souple du point de vue de l’établissement des horaires, cette méthode entraîne également des coûts d’exploitation plus élevés, ce qui n’est pas toujours possible dans certaines régions.
  4. Investissements dans l’infrastructure et tendances relatives aux bâtiments : La taille des bâtiments et, en particulier, des porte-conteneurs a considérablement augmenté au cours de la dernière décennie. Bien que les pilotes puissent suivre une formation sur la navigation de bâtiments de plus en plus gros, une bonne partie de cette formation sera inutile si les administrations portuaires n’investissent pas dans l’infrastructure nécessaire (aides à la navigation, systèmes de trafic maritime et infrastructure des terminaux) pour accueillir des bâtiments de cette taille. Il s’agit d’un sujet particulièrement difficile qui exige la collaboration de l’industrie, des associations de pilotage, des administrations portuaires et du gouvernement.

Approches novatrices en matière de prestation de services

Des systèmes de pilotage terrestres (à distance) ont été envisagés ou mis à l’essai dans des pays comme la Suède, le Danemark, les Pays-Bas et le Portugal, dans divers contextes allant d’une solution de rechange par mauvais temps (lorsque l’embarquement d’un pilote n’est pas possible) à une utilisation régulière. Les commentaires recueillis lors des entrevues avec les pilotes et les représentants d’associations de pilotes et d’organismes de réglementation nous ont permis de constater que la mise en œuvre potentielle de tels systèmes dans les administrations étudiées suscite beaucoup de scepticisme. Un examen des recherches récentes sur les systèmes de pilotage terrestres a révélé que ce modèle de prestation de services a fait l’objet d’une étude sérieuse il y a environ six ou sept ans et que très peu de recherches ont été entreprises depuis.

Les recherches actuelles semblent porter davantage sur l’amélioration du service de trafic maritime (STM) et des facteurs humains liés au pilotage.

Bon nombre d’administrations ont étudié ou sont en train de mettre en œuvre des technologies visant à améliorer la sécurité et l’efficacité des services de pilotage. Ces technologies facilitent les affectations, la surveillance et la sécurité des services de pilotage offerts. Bien que diverses technologies actuellement utilisées dans d’autres systèmes de navigation soient envisageables pour les services de pilotage, la plupart des administrations et des entreprises sont demeurées prudentes dans leurs investissements.

Sommaire des constatations

Les administrations examinées dans le cadre du présent rapport sont associées à un large éventail de modèles de prestation de services de pilotage. Comme l’indique le présent rapport, plusieurs d’entre elles ne respectent pas un seul modèle; leurs modèles intègrent pour la plupart des composantes de deux modèles ou plus. Les recherches théoriques et les entrevues ont clairement démontré que dans chaque étude de cas, il y avait un certain nombre de défis et d’avantages, découlant souvent des conditions économiques et réglementaires locales. La comparaison des administrations a révélé que de nombreux modèles, même s’ils sont différents, présentent des caractéristiques semblables.

Les principales constatations de la recherche sont résumées comme des constatations ou des thèmes récurrents parmi les différents secteurs de compétence examinés. En particulier, ces constatations peuvent se prêter à des considérations pertinentes dans le contexte canadien, si d’autres modèles de gouvernance ou des composantes de la prestation des services de pilotage sont étudiés à l’avenir. Les quatre constatations sont les suivantes :

  • Séparation des fonctions de réglementation et de prestation de services : Ces fonctions sont connexes, mais leur séparation, dans des organismes indépendants, a ces avantages.
  • Avantages du regroupement des services de pilotage : Les administrations qui ont regroupé la prestation de services avaient, en général, moins de problèmes liés aux finances, à l’exploitation et à l’uniformité, bien qu’il y ait des exceptions. Plusieurs administrations ont des modèles de prestations très fragmentés). Par exemple, au Royaume-Uni, le pilotage est assuré et réglementé au niveau du port, ce qui a entraîné un certain nombre de problèmes liés aux tarifs, à la sécurité et à la responsabilité. Une situation semblable s’est produite dans le Queensland, en Australie, obligeant le gouvernement de l’État à modifier le modèle de réglementation et de prestation de services.
  • Entreprises de pilotage indépendantes par opposition aux organismes collectifs : On a observé un large éventail de compromis financiers et de risques parmi les divers modèles opérationnels analysés. Un modèle basé sur la main-d’œuvre, principalement constitué de pilotes entrepreneurs indépendants, peut aboutir à des tarifs théoriquement plus concurrentiels. Toutefois, dans la réalité, pour ce qui semble être une même demande commerciale pour des services de pilotage, la concurrence est limitée par les compétences très spécifiques que les pilotes doivent posséder pour naviguer dans les eaux locales.
  • Aspects économiques des monopoles réglementés : Bien que la concurrence limitée offre la possibilité d’imposer des taux plus concurrentiels, on a constaté que les modèles concurrentiels ont souvent échoué (p. ex., en Alaska et au Queensland) et que, même si la concurrence est théoriquement permise, elle ne semble pas être applicable ou attrayante pour les participants. Bien que les monopoles naturels puissent avoir des répercussions négatives sur les consommateurs dans certains secteurs, la concurrence dans le domaine du pilotage peut avoir des répercussions plus négatives qu’un monopole. Si des pilotes ou des associations de pilotes se font concurrence, ils pourraient être incités à réduire les coûts en mettant moins l’accent sur la sécurité et la qualité.
  • Sécurité et formation : La réglementation permet généralement d’harmoniser les services de pilotage avec les exigences relatives à la sécurité et les intérêts économiques. Cela met en évidence le rôle que le gouvernement doit continuellement assumer dans l’établissement des normes de sécurité ainsi que la responsabilité partagée entre les pilotes, l’industrie et le gouvernement en qui a trait à la formation adéquate des pilotes afin qu’ils naviguent en toute sécurité dans les voies navigables d’une administration.

En effectuant des recherches et des entrevues pour comprendre les divers modèles de prestation de services de pilotage utilisés par les administrations du monde entier, nous avons constaté qu’aucun modèle ne présente des avantages absolus et manifestes. Toutefois, il était évident que les modèles de prestation des services de pilotage de ces administrations ont été établis pour protéger des intérêts économiques et assurer la sécurité du trafic maritime dans la région considérée. Ces modèles sont également dynamiques et ont été modifiés afin de tenir compte des besoins changeants de l’industrie et de la réglementation gouvernementale. Les défis auxquels font face les différentes administrations et entreprises de prestation de services de pilotage sont souvent liés aux conditions économiques, aux précédents historiques et au niveau de participation des organismes de réglementation pour influencer les divers aspects de la prestation des services de pilotage.