- Dans le cadre de l’examen de la loi sur le pilotage
Hammurabi Consulting
Janvier 2018
Depuis près d’un siècle, on cherche des façons d’automatiser les fonctions sur la passerelle des navires; comme dans plusieurs autres secteurs, l’avènement de nouvelles technologies permet de mettre en œuvre des changements prodigieux en très peu de temps.
Les systèmes de positionnement par satellite (GPS) ont transformé la navigation de manière radicale; ils ont rendu obsolètes la navigation astronomique et plusieurs systèmes terrestres de détermination de la position. En dépit de son caractère spectaculaire, ce changement n’a été que le précurseur d’une métamorphose nettement plus profonde associée à l’avènement des cartes électroniques.
Grâce à ces cartes, il est devenu possible d’intégrer et de superposer des renseignements provenant de différents capteurs et d’utiliser ce système pour la planification des voyages, leur exécution et l’enregistrement des données sur le voyage. Une telle intégration avait pour but d’alléger la charge de travail de la navigation et de fournir à l’officier de quart de multiples renseignements en un coup d’œil. Les améliorations escomptées sur le plan de la sécurité et la réduction du nombre d’incidents ont été entravées par plusieurs facteurs qui ont un rapport avec la technologie et les exploitants.
Même si les systèmes sont pourvus d’alarmes, les exploitants doivent toujours régler les paramètres appropriés pour chaque étape d’un voyage. Or ils ne le font toujours; de plus, en raison des protocoles de sécurité, il n’est pas toujours possible d’éteindre les alarmes dans les secteurs où elles ne fournissent pas de renseignements utiles. Les exploitants ne prennent pas toujours le soin d’optimiser l’affichage et les renseignements présentés pour s’assurer qu’ils disposent de suffisamment d’information, mais pas d’un volume excessif pour effectuer le voyage en toute sécurité.
L’intégration de systèmes de la passerelle n’est qu’un volet d’une initiative internationale de nettement plus grande envergure dont le but est d’harmoniser la collecte, l’intégration, l’échange, la présentation et l’analyse d’informations marines à bord et à terre afin d’atteindre les objectifs en matière de sécurité et de commerce.
L’intégration des systèmes à bord a contribué à permettre aux armateurs et aux entreprises technologiques d’envisager des navires automatisés. La sécurité comme les économies de coût ont été qualifiées de moteurs de l’automatisation des navires. Les sources révèlent que les facteurs humains sont déterminants dans la plupart des accidents maritimes. Les économies de coût ne comprennent pas seulement les salaires, mais aussi les installations à bord des navires (passerelles, chambre, cuisines) et la consommation d’énergie associée à l’hébergement.
Les navires automatisés peuvent être télécommandés à partir de centres de contrôle à terre. Les navires télécommandés nécessiteront l’automatisation suffisante des systèmes à bord pour permettre l’exécution intégrale des tâches sans intervention humaine. Les systèmes devront avoir une certaine redondance. Aussi, les liens de communication entre les navires et les centres de contrôle constitueront des éléments essentiels des infrastructures.
Les navires passeront sans doute de l’exploitation télécommandée à l’exploitation autonome pour la navigation en haute mer avec des capteurs et des algorithmes assurant la gestion des tâches ordinaires. Les navires pourront revenir à l’exploitation télécommandée pour les tâches complexes ou à haut risque.
Grâce à l’expérience et aux progrès technologiques, l’objectif est d’avoir des navires entièrement autonomes qui peuvent naviguer d’un poste d’amarrage à l’autre pratiquement sans intervention humaine. Certes, il faudra un certain temps avant d’atteindre cet objectif pour les voyages internationaux, car il y a des questions d’ordre juridique, politique et opérationnel qui doivent être résolues et qui risquent d’être aussi astreignantes que les défis technologiques.
Non seulement on envisage de convertir les navires de charge, mais aussi les remorqueurs portuaires qui aident les navires à entrer et à sortir de leurs postes d’amarrage et qui sont conçus pour une exploitation télécommandée. Cela obligera les pilotes à interagir avec ces remorqueurs de manière différente qui pourrait même aboutir au fait que ces remorqueurs seront « commandés » par le pilote.
Lorsqu’on songe au pilotage de navires autonomes et télécommandés, on pense à plusieurs modèles :
- le pilote embarque à bord du navire avec l’équipe d’abordage et donne des ordres à un centre éloigné pour l’accomplissement des tâches;
- le pilote embarque à bord du navire avec l’équipe d’abordage et assume le contrôle local du navire;
- le pilote surveille le navire depuis un lieu à terre et donne des ordres à un centre éloigné;
- le pilote surveille le navire depuis un lieu à terre et donne des ordres à l’équipe d’abordage locale;
- le pilote assume le contrôle du navire depuis un lieu à terre et effectue les manœuvres jusqu’au poste d’amarrage;
- le centre de télécommande ou le navire autonome entre dans le port alors que le pilote le surveille depuis une station à terre et prodigue des conseils si le navire est exploité en dehors des paramètres escomptés;
- le navire autonome confirme que les renseignements locaux ont été téléchargés et il avance indépendamment sans la surveillance du pilote depuis la zone de pilotage jusqu’à sa destination.
Chacun des modèles a des conséquences variables sur le déroulement des opérations de pilotage. Il se peut que les difficultés de communications avec les centres télécommandés limitent sérieusement la capacité d’un pilote à procéder à un échange entre lui-même et le capitaine et à donner des ordres de barre et de conduite pour effectuer un voyage. La planification des urgences en cas de perte de communication en cours de route deviendra une préoccupation nécessaire des pilotes.
Le temps qu’il faut pour accomplir une mission de pilotage risque d’augmenter si les équipes d’abordage doivent se familiariser avec les équipements de bord qui peuvent être utilisés dans les zones de pilotage.
Le pilotage le long du littoral et le pilotage à grande distance risquent d’être entravés par les navires qui ne possèdent pas des passerelles et des installations classiques pour permettre au pilote de se reposer et de s’alimenter. La nécessité et le mode de prestation des services dans ces domaines risquent d’aboutir à la conception de nouveaux modèles de pilotage.
Si les pilotes prennent le contrôle de navires entièrement autonomes ou pilotés à partir de centres de télécommande, l’idée d’agir à titre de conseillers s’évanouit. Étant donné qu’ils ne sont plus des conseillers, la notion d’être en mesure de limiter la responsabilité devient une question ouverte.
Ces progrès n’étaient même pas envisagés lorsque les définitions figurant dans la Loi sur le pilotage ont été rédigées; il faudra donc réfléchir à ce que l’on entend par « appartenir à un navire ». Lorsqu’un navire est exploité à distance par une succession de personnes ou même lorsqu’une seule personne surveille plusieurs navires à la fois, peut-on dire qu’elles « appartiennent au navire »? La distinction entre un pilote et un télécommandeur n’est peut-être pas aussi claire qu’il paraît.
Si les navires télécommandés et autonomes deviennent la norme, il deviendra de plus en plus difficile de recruter des personnes possédant l’expérience actuellement prescrite par divers règlements sur le pilotage pour agir en tant que pilotes.
Les pilotes et les instances utilisent actuellement les simulations de manière efficace aux fins de formation et pour mettre à l’essai des nouvelles technologies. Les percées technologiques permettent de réaliser des simulations fort réalistes, lesquelles constituent un moyen rentable d’accélérer la formation et la qualification des pilotes.