Résumé : Étude sur la navigation sur le cours inférieur de la rivière Athabasca

Ce rapport présente les résultats des investigations menées dans le cadre des phases 3 et 4 de l’étude sur la navigabilité du cours inférieur de la rivière Athabasca, réalisée par Dillon Consulting Limited pour le compte de Transports Canada. Ces phases de l’étude constituent l’analyse continue des contraintes de navigation du cours inférieur de la rivière Athabasca et représentent les niveaux subséquents d’investigation après les phases 1 et 2 des études antérieures réalisées par Golder Associates en 2015 et 2018. Les phases 1 et 2 étaient axées sur l’analyse des données les plus récentes et historiques relatives à la bathymétrie des chenaux, aux opérations de dragage et à l’hydrologie du bassin versant. Elles visaient également à obtenir l’avis des collectivités autochtones auprès des principaux utilisateurs du cours principal de la rivière afin de déterminer l’emplacement des sites de navigation les plus problématiques. La présente étude pour les phases 3 et 4 était axée sur la réalisation de levés détaillés et d’évaluations des chenaux d’un certain nombre de secteurs de navigation problématiques, ainsi que sur une évaluation plus approfondie des débits, des niveaux d’eau et des profondeurs des chenaux dans le cours inférieur de la rivière Athabasca en vue de maintenir un chenal navigable pendant la saison d’automne (août à octobre).

L’étude vise à déterminer si les préoccupations actuelles en matière de navigation sont systémiques dans le cours inférieur de la rivière Athabasca et pertinentes pour comprendre les impacts liés aux prélèvements d’eau dans le cadre des projets d’exploitations de sables bitumineux, aux changements climatiques et aux variations naturelles du débit dans la rivière. L’emplacement général de la zone d’étude est décrit comme étant le cours inférieur de la rivière Athabasca, entre Fort McMurray et une zone s’étendant 200 km plus en aval, à proximité d’Embarrass Portage. Dans ce segment de la rivière, l’étude a porté sur un total de 11 sites classés parmi les premiers d’une liste de 35 sites figurant dans le rapport de la phase 2 et ayant été identifiés comme posant des problèmes de navigation. Le classement de ces sites est basé sur la compilation et l’évaluation des informations obtenues lors de la consultation des peuples autochtones, ainsi que sur les détails relatifs aux prélèvements d’eau et aux caractéristiques des chenaux.

Les levés des 11 sites à l’étude ont été effectués du 17 au 23 septembre 2018 et réalisés par une équipe de quatre personnes ayant navigué sur la rivière en bateau et parcouru le segment en hélicoptère. Les représentants d’ACFN Industrial Relations Corp. ont apporté leur aide lors des activités liées aux levés dans les secteurs situés en aval de la zone d’étude. Un profileur acoustique à effet Doppler et un instrument de levé GPS RTK ont été utilisés pour recueillir des données topographiques, bathymétriques et de débit fluvial pour chacun des 11 sites. Ces informations ont permis d’élaborer des cartes de base en courbes de niveau et d’établir une corrélation entre les débits mesurés des rivières et les données sur les débits obtenues auprès des stations locales de surveillance des débits hydrométriques de levés hydrologiques des Relevés hydrologiques du Canada et du ministère de l’Environnement et des Parcs de l’Alberta (AEP).

Les estimations des débits enregistrés à la jauge de Fort McMurray par les Relevés hydrologiques du Canada ont ensuite été comparées aux débits mesurés en 2018 pour en déduire les rapports de débit des sites qui ont permis d’estimer les débits historiques, statistiques et prévus au prorata pour chaque site en fonction des futurs changements climatiques. Les estimations du futur débit résultant du changement climatique prévu pour les années 2060 ont été obtenues à partir des résultats des analyses du projet Frontière Teck 2013, qui étaient disponibles au poste de Fort McMurray. Notamment, le scénario de changement climatique chaud et humide a été choisi comme étant la condition la plus probable représentant les futures perspectives climatiques de la région. Ce scénario suggère d’importantes réductions du futur débit naturel de la rivière de 52,8 %, 32,8 % et 5,4 % prévues respectivement pour les mois d’août, septembre et octobre. Selon les estimations des débits liés au changement climatique, le débit mensuel moyen au mois d’août diminuera pour atteindre 438 m3/s et le débit mensuel historique le plus faible diminuera pour atteindre 238 m3/s et se produira tous les 20 à 50 ans.

Les informations sur les prélèvements d’eau pour les projets d’exploitation des sables bitumineux ont été fournies par AEP, et les dossiers ont révélé que les prélèvements mensuels, hebdomadaires et quotidiens maximum ont toujours été d’environ 4 m3/s, 6 m3/s et 8 m3/s, respectivement, soit bien inférieurs au débit maximum autorisé de 29 m3/s. Par conséquent, ces niveaux actuels de prélèvement étaient bien inférieurs à 3 % du débit naturel de la rivière.

Afin d’évaluer l’impact que les prélèvements d’eau et les futurs impacts résultant du changement climatique peuvent avoir sur le niveau d’eau, la vitesse du chenal et la profondeur de l’eau dans la rivière, un modèle hydraulique calibré de HEC-RAS a été élaboré. Le modèle a été utilisé pour simuler un large éventail de conditions de débit (150 m3/s à 1 600 m3/s) afin d’étudier les impacts possibles. En particulier, les simulations comprenaient des débits associés au seuil AXF actuel de 500 m3/s, ainsi qu’au seuil de 700 m3/s et au seuil de 1 600 m3/s, qui est considéré comme un chenal suffisamment profond (Candler, et al, 2010).

Les résultats des simulations par modélisation ont révélé les éléments suivants :

  • Impacts résultant des prélèvements d’eau :
    • L’impact des prélèvements d’eau entraînant la réduction des niveaux de l’eau dans la rivière dépend fortement de l’importance du taux de prélèvement et de l’ampleur du débit naturel de la rivière;
    • Dans le cas d’un débit naturel de 500 m3/s (seuil AXF) tel qu’indiqué à la jauge de Fort McMurray, les impacts peuvent varier d’une réduction de 2 cm (0,02 m), en supposant le taux actuel de prélèvement maximum, à 6 cm (0,06 m) si les taux de prélèvement augmentent et atteignent le taux maximum autorisé de 29 m3/s;
    • Dans le cas d’un débit naturel de 273 m3/s (débit mensuel futur le plus faible), tel qu’indiqué à la jauge de Fort McMurray, les impacts peuvent varier d’une réduction de 3 cm (0,03 m), en supposant le taux actuel de prélèvement maximum, à 15 cm (0,15 m) si le taux de prélèvement augmente et atteint le taux maximum autorisé de 29 m3/s.
  • Impacts résultant du changement climatique :
    • L’impact des débits résultant du futur changement climatique prévu peut se traduire par des réductions mensuelles moyennes du niveau d’eau d’environ 20 cm (0,20 m) et par des réductions d’environ 11 cm (0,11 m) dans les conditions mensuelles les plus faibles;
    • Bien que la tendance générale observée indique que le mois d’octobre est habituellement le mois du débit le plus faible de l’année pendant la saison de navigation d’automne et que les débits tendent à diminuer au long des trois mois de la saison, on prévoit que les impacts mensuels du changement climatique sur la saison vont entraîner une diminution du débit ainsi qu’une prolongation de la période débutant en août jusqu’en octobre.
  • Impacts résultant des effets combinés des prélèvements et du changement climatique :
    • Il est prévu que l’impact combiné des prélèvements et du futur changement climatique sur les débits mensuels moyens entraînera une réduction du niveau de l’eau de 20 cm à 24 cm (0,20 m à 0,24 m) selon le taux actuel de prélèvement et un maximum de 29 m3/s respectivement;
    • Il est prévu que l’impact combiné des prélèvements et du futur changement climatique sur le débit mensuel le plus faible entraînera une réduction du niveau de l’eau de 14 cm à 25 cm (0,14 m à 0,25 m) selon le taux actuel de prélèvement et un maximum de 29 m3/s respectivement;

Comme il a été démontré que les effets des prélèvements d’eau et du changement climatique vont entraîner des réductions statistiques des niveaux d’eau pendant la saison de navigation d’automne, des incidences se feront ressentir sur la navigation dans le cours inférieur de la rivière Athabasca. Les profondeurs de l’eau dans le réseau hydrographique ont été analysées à l’aide d’une gamme de 7 niveaux de profondeur (intervalles de 0,3 m) où le niveau 1 est la cote la plus sévère avec des profondeurs inférieures à 0,3 m et le niveau 7 correspond à des profondeurs supérieures à 1,8 m. Le niveau 3 est la condition selon laquelle les profondeurs sont supérieures à 0,6 m et supérieures à 1 m pour le niveau 5. Les seuils inférieurs à 2 m sont comme indiqué ci-dessous :

Niveau d’impact Profondeur minimum de l’eau
Niveau 1 < 0,30 m
Niveau 2 0,30 m à 0,60 m
Niveau 3 0,60 m à 0,90 m
Niveau 4 0,90 m à 1,20 m
Niveau 5 1,2 m à 1,5 m
Niveau 6 1,5 m à 1,80 m
Niveau 7 > 1,8 m

Les résultats des simulations par modélisation hydraulique et de la bathymétrie de la rivière étudiée ont été utilisés pour déterminer la profondeur minimum pour toute la gamme des simulations de débit jusqu’à 1 600 m3/s. Les résultats indiquent ce qui suit :

  • Sur les 11 sites étudiés, 6 présenteront des profondeurs inférieures à 0,3 m, à un débit de 300 m3/s (niveau 1)
  • Sur les 11 sites étudiés, 0 présenteront des profondeurs inférieures à 0,3 m, à un débit de 500 m3/s (AXF) (niveau 1)
  • Sur les 11 sites étudiés, 7 présenteront des profondeurs inférieures à 0,6 m, à un débit de 300 m3/s (niveau 1 et 2)
  • Sur les 11 sites étudiés, 2 présenteront des profondeurs inférieures à 0,6 m, à un débit de 500 m3/s (AXF) (niveau 1 et 2)
  • Sur les 11 sites étudiés, 0 présenteront des profondeurs inférieures à 0,6 m, à un débit de 700 m3/s (niveau 1 et 2)
  • Sur les 11 sites étudiés, 10 présenteront des profondeurs inférieures à 1,2 m, à un débit de 300 m3/s (niveau 1, 2, 3 et 4)
  • Sur les 11 sites étudiés, 7 présenteront des profondeurs inférieures à 1,2 m, à un débit de 500 m3/s (AXF) (niveau 1, 2, 3, et 4)
  • Sur les 11 sites étudiés, 4 présenteront des profondeurs inférieures à 1,2 m, à un débit de 700 m3/s (niveau 1, 2, 3 et 4)
  • Sur les 11 sites étudiés, 0 présenteront des profondeurs inférieures à 1,2 m, à un débit de 1050 m3/s (niveau 1, 2, 3 et 4)

En résumé, les perspectives d’avenir indiquent une baisse des niveaux d’eau, tant pour les conditions naturelles moyennes que pour les conditions mensuelles minimum (sécheresse). Les conditions moyennes passeront de débits de plus de 500 m3/s en conditions AXF à 535 m3/s en-dessous du seuil AXF à 439 m3/s et par conséquent les profondeurs d’eau diminueront jusqu’à 18 cm (0,18 m) et les profondeurs typiques seront de l’ordre de 0,3 m à 0,9 m (niveaux 2 et 3). En conditions mensuelles extrêmement faible (sécheresse) décrites comme un intervalle de récurrence de l’ordre de 20 à 50 ans, actuelles et futures, les défis de navigation seront importants, car de nombreux sites présenteront des profondeurs d’eau bien inférieures à 0,3 m (niveau 1).

Les impacts sur la navigation sont d’une grande importance pour les utilisateurs de la rivière. Les résultats de cette évaluation ont démontré que, d’après la géométrie du chenal évaluée lors des levés de septembre 2018, les problèmes de navigation causés par la baisse des niveaux d’eau peuvent poser des problèmes aux utilisateurs de la rivière. À mesure que les impacts résultant du changement climatique sur les débits et les niveaux d’eau le long de la rivière apparaitront, la capacité à naviguer sur la rivière sera de plus en plus difficile. Il est à noter que le changement climatique à lui seul pourrait entraîner une baisse saisonnière des niveaux d’eau susceptible d’atteindre 20 cm (0,20 m). Cela suggère à l’avenir une augmentation de la fréquence d’occurrence des conditions de navigation difficiles. Les impacts des prélèvements (jusqu’à 29 m3/s) sont plus importants lorsque le débit est naturellement plus faible et peuvent entraîner une baisse supplémentaire des niveaux d’eau de 15 cm (0,15 m) ainsi que potentiellement limiter davantage la navigation; toutefois, le maintien des prélèvements aux niveaux existants réduira considérablement l’impact composé à moins de 4 cm (0,04 m) supplémentaires.

 

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