Statut d’envol inexact transmis par les transpondeurs et son effet sur les systèmes de surveillance des pistes et d’alerte de conflit - Alerte à la Sécurité de l’Aviation civile (ASAC) 2021-03

À l’attention de :

Tous les exploitants aériens, fournisseurs de services de navigation aérienne, fabricants d'équipement d'origine, et fabricants d’aeronefs

Numéro de classification du dossier : Z 5000-35 U
Numéro du SGDDI : 18081002
Numéro de document : ASAC 2021-03
Numéro d'édition : 02
Date d'entrée en vigueur : 2021-12-20

Objet :

La présente Alerte à la sécurité de l’Aviation civile (ASAC) vise à signaler aux propriétaires d’aéronefs, aux exploitants et aux fournisseurs de services de navigation aérienne (FSNA) et aux fabricants d'équipement d'origine un problème de sécurité potentiel lié à l’exploitation des aéronefs équipés de transpondeurs et de systèmes avioniques intégrés.

Contexte :

Le Bureau de la sécurité des transports (BST) a récemment informé Transports Canada d’un événement à l’aéroport international Lester B. Pearson-Toronto (CYYZ) au cours duquel un Embraer 190 (E190) équipé d’un transpondeur et d’un système avionique intégré Honeywell Primus Epic a transmis un statut d’envol inexact immédiatement après un décollage interrompu alors qu’il se trouvait toujours sur la piste.

Un autre avion, un Boeing 777-300 (B777) se préparant pour le décollage, avait reçu une autorisation de décollage alors que l’E190 commençait sa course au décollage. L’équipage de conduite de l’E190 a appelé la tour à la radio pour indiquer qu’il interrompait le décollage, mais au même moment le B777 collationnait son autorisation de décollage sur la même fréquence de la tour de contrôle et a commencé sa course au décollage. Les transmissions radio simultanées n’ont pas été remarquées et ni le contrôle de la circulation aérienne ni l’équipage de conduite du B777 n’ont entendu l’appel radio de décollage interrompu de l’E190.

Immédiatement après avoir commencé la course au décollage, l’équipage de conduite du B777 a constaté que l’E190 se trouvait toujours sur la piste, donc il a amorcé un décollage interrompu. Le B777 s’est approché à moins de 3 800 pieds de l’E190.

Dans l’évaluation initiale de son enquête (enquête du BST A20O0029), le BST a déterminé que le système avionique intégré Honeywell Primus Epic à bord de l’E190 utilise une logique logicielle qui détermine que l’aéronef est en vol lorsque la vitesse indiquée de l’aéronef dépasse 50 nœuds. Ainsi, le transpondeur de l’aéronef peut transmettre un statut d’envol de l’aéronef alors qu’il est toujours au sol.

Transports Canada a déterminé que l'indication d'état en vol était appropriée, car cet état visait à assurer que les données de position et de trajectoire de l'aéronef seraient transmises pour être utilisées par les systèmes anticollision embarqués (ACAS) d'autres aéronefs à proximité. Si ces données n'étaient pas transmises, avant que l'aéronef ne soit physiquement en vol, l'ACAS à bord des aéronefs à proximité ne serait pas en mesure de détecter et d'identifier l'aéronef au départ comme une menace potentielle.

Les normes de performance minimales pour les transpondeurs sont identifiées dans le document du Comité technique radio pour l'aéronautique (RTCA) Minimum Operational Performance Standards (MOPS) for Air Traffic Control Radar Beacon System/Mode Select (ATCRBS/Mode S) Équipement aéroporté (DO-181E MOPS). Les normes exigent un seuil de priorité qui fait passer le transpondeur en mode aéroporté une fois que 100 nœuds sont atteints, indépendamment de toute autre entrée de capteur.

Pour l'avion en cause, et la plupart des avions d’entreprise de transport aérien, la vitesse de décollage est supérieure à 100 nœuds, et l'indication du transpondeur embarqué aura lieu avant le décollage. L'utilisation d'un seuil de dépassement de 50 nœuds sur l'avion en cause peut être inhabituellement bas comparativement à des avions similaires et peut entraîner une configuration de transpondeur en vol pendant une plage de temps plus longue pendant la course au décollage avant le décollage ou avant de revenir à 50 nœuds après un décollage interrompu. D'autres types d'avions peuvent avoir des seuils de dépassements différents jusqu'à 100 nœuds et peuvent être définis par les fabricants.

Le B777 a également été identifié comme étant en vol après avoir atteint 100 nœuds; le seuil de dépassement le plus élevé autorisé par DO-181E. Des seuils de dépassement inférieurs tels que le seuil de 50 nœuds utilisé par l'E190 entraînent une plus longue période d'indication en vol au sol pendant les roulements au décollage ou un décollage interrompu avant de décélérer pour revenir à la valeur de seuil.

De plus, le système de surveillance des incursions sur piste et d’alerte de conflit (RIMCAS) utilisé par le FSNA à CYYZ était configuré pour utiliser les données de la transmission du transpondeur de l’aéronef comme indication principale qu’un aéronef avait décollé. Ainsi, lorsque la vitesse de l’E190 a dépassé 50 nœuds pendant sa course au décollage, le RIMCAS a déterminé que l’aéronef était en vol, même si ce n’était pas le cas. En raison de cette logique du système, le RIMCAS n’a pas détecté de conflit lorsque le B777 a commencé sa course au décollage et n’a émis d’alerte que bien après que les deux aéronefs aient interrompu leur décollage respectif et aient décéléré.

En décembre 2020, NAV CANADA a publié un bulletin d’information urgent pour le contrôle de la circulation aérienne (ATC) pour tout le personnel de la tour de Toronto. Le bulletin avertissait les contrôleurs que les alertes de niveau 1 (avertissements visuels qui apparaissent sur les écrans du système avancé de guidage et de contrôle des mouvements de surface (A-SMGCS) informant l'ATC qu'une situation dangereuse existe) et de niveau 2 (avertissements visuels qui apparaissent sur les écrans du A-SMGCS et sont accompagnés par un avertissement sonore produit par une alarme à l'échelle de la tour informant personnel du ATC qu'un danger critique est imminent) du RIMCAS peuvent ne pas être générées lorsque des Embraer E Jet et certains aéronefs construits par Dassault, Gulfstream, Learjet et Textron Aviation (anciennement Cessna) décollent. Le bulletin indiquait aussi que les alertes de niveau 1 et de niveau 2 ne peuvent pas être générées pour des aéronefs ou des véhicules s’approchant d’une piste en service lorsqu’un de ces types d’aéronefs décolle, et on rappelait aux contrôleurs de surveiller ces situations de près. NAV CANADA étudie les options de mesures d’atténuation relatives au logiciel du RIMCAS.

Transports Canada a communiqué avec le fabricant d’équipement d’origine (FEO) pour régler le problème de logique logicielle actuel de manière à bien indiquer le statut d’envol de l’aéronef. De plus, Transports Canada a communiqué avec les FSNA concernés qui ont un RIMCAS semblable, ou tout autre système pouvant utiliser des données transmises par des aéronefs avec des transpondeurs configurés de manière similaire.

Cet événement met en évidence l'importance de comprendre comment et pourquoi les données sont émises, avant d'utiliser les données transmises par l'avionique de l'avion comme entrée à d'autres systèmes, en particulier les systèmes de gestion de la circulation aérienne (ATM). Étant donné que le système utilisait des données de transpondeur qui indiquaient que l'avion était en vol, la logique utilisée pour classer le E190 en vol était appropriée pour l'utilisation prévue.

Mesure recommandée :

  1. Les FSNA dont les systèmes ATM utilisent des données transmises par l'avionique des aéronefs devraient s'assurer que les limites de la logique du système sont bien comprises et que les données sont adaptées à l'utilisation prévue par le(s) système(s) ATM.
  2. Les exploitants aériens devraient prendre connaissance du seuil de dépassement applicable à leur aéronef et fournir l’information se trouvant dans la présente ASAC au personnel et aux équipages de vol comme mesure de sensibilisation.

Bureau responsable :

Pour davantage de renseignements à ce sujet, veuillez communiquer avec un Centre de Transports Canada ou avec les Normes de l’aviation commerciale à Ottawa par courriel à AARTFInfo-InfoAARTF@tc.gc.ca.

Félix Meunier
Directeur
Direction des normes

L’Alerte à la Sécurité de l’Aviation Civile (ASAC) de Transports Canada sert à communiquer des renseignements de sécurité importants et contient des mesures de suivi recommandées. Une ASAC vise à aider le milieu aéronautique dans ses efforts visant à offrir un service ayant un niveau de sécurité aussi élevé que possible. Les renseignements qu’elle contient sont souvent critiques et doivent être transmis rapidement par le bureau approprié. L’ASAC pourra être modifiée ou mise à jour si de nouveaux renseignements deviennent disponibles.