Le professionnalisme dans la formation au pilotage

par Michael Schuster, chef-instructeur, Aviation Solutions

« Mes élèves ne se préparent pas. Ils arrivent en retard.
Ils s’attendent à ce que je leur donne tout à la cuillère.
Ils ne sont tout simplement pas professionnels.

Pour avoir géré plus de soixante cours de recyclage d’instructeur de vol (CRIV), je peux dire avec certitude qu’une certaine version de ce qui suit a été dit par des participants à chacun de ces cours. Ayant été dans le domaine de la formation au pilotage pendant deux décennies en tant qu’élève et instructeur, je peux également confirmer que ce sentiment n’est pas nouveau!

Il peut y avoir une multitude de causes à cela. Mais il faut avant tout se rappeler que tout groupe de personnes, y compris les étudiants, se conforme généralement à son environnement. En termes simples, les humains aiment passer inaperçus. Ils aiment s’intégrer. Par exemple, si vous rejoignez un groupe dans un restaurant et que tout le monde prenne une bière, en commandez-vous une aussi? Lorsque le « port du masque » était nouveau, avez-vous décidé de le faire en fonction du nombre d’autres personnes que vous avez observées en train de le faire? Catherine Sanderson, professeure de psychologie sociale, affirme qu’un taux de 25 % constitue un point de basculement dans le changement de comportement,Note de bas de page 1 ce qui signifie qu’il ne faut que quelques mauvaises habitudes pour rendre votre environnement de formation toxique.

En fin de compte, l’intégration, notre confort et notre culture sont tous liés. Les gens se conforment à la culture qui les entoure afin de s’intégrer et se sentir à l’aise. En d’autres termes, la culture de l’instructeur et de l’école est la première influence sur le professionnalisme des élèves — alors tournons notre attention vers nous-mêmes!

Voici, pour les instructeurs de vol, quelques idées qui donneront un ton professionnel et serviront de modèle à leurs élèves :

  • Gérez efficacement votre temps. Assurez-vous d’avoir préparé chaque leçon (en vol et au sol) que vous allez enseigner. Si vous n’êtes pas préparé, pourquoi l’élève penserait-il qu’il est nécessaire de préparer ses procédures, de se documenter pour le prochain vol, etc.?
  • Respectez le temps de l’élève et gérez les distractions telles que les téléphones portables, les interruptions dans vos breffages, etc. Si vous vous permettez d’être en retard ou d’interrompre votre cours, n’est-il pas acceptable que votre élève fasse de même?
  • Formez l’élève à devenir pilote, pas seulement à passer le prochain test en vol. Si nous nous concentrons sur « comment réussir le test » au lieu de « voici les compétences dont vous avez besoin pour être efficace », nous enseignons aux élèves qu’il n’est pas important de maîtriser complètement un sujet, et que le simple fait d’être capable d’exécuter une manœuvre en isolement l’est.
  • Partagez votre passion pour l’aviation, la précision, les compétences, les connaissances… toute caractéristique que vous souhaitez voir votre élève acquérir. Par exemple, si vous ne savez pas comment faire une recherche rapide et efficace dans le RAC, l’apprendre n’intéressera pas votre élève.
  • Prenez sur vous-même de savoir quoi faire. Par exemple, ne rangez pas le Guide de l’instructeur de vol (GIV) après votre dernier test en vol. Il regorge d’excellents conseils, comme les mesures à prendre lorsqu’un élève éprouve diverses difficultés. Si nous attendons simplement de nos superviseurs qu’ils nous disent la réponse, comment pouvons-nous nous attendre à ce que nos élèves s’émancipent de notre tutelle?
  • De même, familiarisez-vous avec les normes des tests en vol et le manuel du pilote examinateur. Plus précisément, rappelez-vous qu’il existe cinq critères d’évaluation, et pas seulement le « pilotage de l’aéronef ». Si vous ne connaissez pas en détail les normes, comment pouvez-vous vous attendre à ce que vos élèves comprennent ce qu’on attend d’eux?
  • Soyez présent pour le test en vol de vos élèves. Montrez-leur que vous vous souciez d’eux et que vous vous investissez en vous assurant de remplir correctement et à l’avance leurs documents de recommandation. Soyez au débreffage pour soutenir votre élève et montrer que vous voulez vous améliorer en tant qu’instructeur en prenant des notes sur les commentaires de l’examinateur. Cela montrera à vos élèves que l’aviation est une carrière d’apprentissage tout au long de la vie et que nous nous soutenons mutuellement tout en valorisant les commentaires constructifs.
  • Améliorez-vous continuellement. Essayez d’obtenir une licence de pilote de ligne (LPL) même si vous ne prévoyez pas l’utiliser : cela montre que vous voulez en savoir plus et devenir un meilleur instructeur de vol. Assistez à un CPIV (cours de perfectionnement pour instructeurs de vol) pour en savoir plus sur les pratiques exemplaires en matière d’instruction de vol afin de pouvoir donner à vos élèves un enseignement plus complet. En fait, toute opportunité d’améliorer ou de mettre à niveau une qualification (même des cours en ligne gratuits) vous sera bénéfique et montrera à vos élèves que les pilotes veulent vraiment maîtriser complètement leur domaine.

Le soutien des écoles de pilotage est un autre domaine clé. La mesure dans laquelle le chef-instructeur de vol (CIP) et l’unité de formation au pilotage (FTU) (en anglais seulement) appuient ces objectifs et ces activités est absolument essentielle. Dans une étude de l’AOPA (Aircraft Owners and Pilots Association) sur la persévérance des élèves, les deux principaux facteurs déterminants étaient le professionnalisme des instructeurs et la qualité du soutien de l’école à ces instructeurs de vol.

Qu’est-ce que cela comprend?

  • Fournir des aéronefs pour le vol de contrôle de compétence. Lors d’un CPIV en 2019, j’ai demandé pourquoi l’approche de précision à 180 degrés pour les aéronefs commerciaux était si mal exécutée lors des tests en vol. On m’a dit que c’était peut-être parce que c’était un nouvel exercice. Malheureusement, cet exercice a été introduit en 2006, bien plus d’une décennie auparavant! Mais si les instructeurs en 2006 n’avaient pas eu la chance de s’exercer et d’apprendre eux-mêmes, comment pouvaient-ils l’enseigner correctement? Ensuite, nous nous retrouvons avec des générations d’instructeurs qui sont des « photocopies de photocopies », qui ne peuvent pas accomplir la tâche correctement.
  • Offrir une formation continue. L’UFP envoie-t-elle des instructeurs aux CPIV et aux conférences de formation aéronautique telles que le World Aviation Training Summit (WATS), ou fait-elle appel à des experts tels que des pilotes-examinateurs ou des météorologues pour donner une formation avancée en classe aux instructeurs?
  • Offrir un salaire décent. Lorsque les instructeurs doivent occuper deux emplois pour payer leurs factures, ils ne peuvent pas se concentrer sur l’excellence dans leur domaine.
  • Établir et mettre en application uniformément les politiques. L’école a-t-elle une politique d’annulation claire? L’applique-t-elle de façon égale? Ou les instructeurs sont-ils laissés à eux-mêmes avec des résultats incohérents et des élèves confus et frustrés?
  • Fournir des systèmes de contrôle opérationnel solides qui contribuent à la santé et à la sécurité de chacun, ainsi qu’une supervision (en anglais seulement) et un soutien efficace des instructeurs.

La dernière pensée avec laquelle je vais vous laisser est une liste que je garde affichée dans mon bureau pour me pousser à faire de mon mieux chaque jour. Après les défis et crises des programmes spatiaux Mercury, Gemini et Apollo, le directeur de vol Gene Kranz a dirigé le développement des Fondements des opérations de mission. Je suis sûr que vous puissiez trouver un moyen d’adapter ces principes fondamentaux à votre exploitation de formation au pilotage. Ce serait un excellent rappel à tous que ce que nous faisons est difficile et fatigant, mais que le faire bien est absolument essentiel à la sécurité et au succès.

  • 1. Cultivons en nous ces qualités indispensables à l’excellence professionnelle :
    • i. Discipline : Être capable de suivre aussi bien que de diriger, sachant que nous devons nous maîtriser avant de pouvoir maîtriser notre tâche.
    • ii. Compétences : Rien ne remplace une préparation totale et un dévouement total, car l’espace ne tolérera pas la négligence ni l’indifférence.
    • iii. Confiance : Croire en soi ainsi qu’aux autres, savoir qu’il faut maîtriser la peur et l’hésitation avant de pouvoir réussir.
    • iv. Responsabilité : Nous devons comprendre qu’elle ne peut pas être transférée à d’autres, car elle appartient à chacun de nous; nous devons répondre de ce que nous faisons ou ne faisons pas.
    • v. Ténacité : Prendre position quand il le faut; essayer encore et encore, même si cela signifie suivre un chemin difficile.
    • vi. Travail en équipe : Respecter et utiliser les capacités des autres, comprendre que nous travaillons vers un objectif commun, car le succès dépend des efforts de tous.
    • vii. Vigilance : Être toujours attentif aux dangers des vols spatiaux; ne jamais accepter le succès comme substitut à la rigueur dans tout ce que nous entreprenons.
  • 2. Être toujours conscient que, soudainement et de manière inattendue, nous pouvons nous retrouver dans un rôle où notre performance a des conséquences extrêmes.
  • 3. Reconnaître que la plus grande erreur n’est pas d’avoir essayé et d’avoir échoué, mais que nous ne faisons pas de notre mieux au moment d’essayer.

Une version de cet article a été publiée à l’origine sur Flight Instructor Refresher Course (en anglais seulement). Mike Schuster est un instructeur de vol de classe 1 expérimenté qui a enseigné à tous les niveaux, des débutants aux pilotes de ligne. Il est chef-instructeur à Aviation Solutions, prestataire autorisé de cours de perfectionnement pour instructeurs de vol pour renouvellement des qualifications.