Résumé de recherche – Wagons-Citernes Exposés à Des Incendies : Analyses expérimentales des conditions thermiques imposées à un wagon enveloppé d'un incendie de pétrole brut

Résumé

Cet article résume les méthodes expérimentales et les résultats d'un programme de tests qui a été mené pour étudier les conditions thermiques auxquelles un wagon-citerne (maquette à une échelle 1:10) est exposé, lorsqu'il est enveloppé de feux en nappe alimentés par de l'heptane, du pétrole brut de Bakken et du pétrole brut de bitume dilué (dilbit). La maquette du wagon-citerne était vide de contenu, mais était munie d'instruments permettant de mesurer le flux thermique total des flammes environnantes à différents endroits le long de sa surface extérieure. Les résultats des essais de feu en nappe sont décrits en détail dans le rapport d'essai [Ko, et coll. 2020].

Contexte

Le transport de liquides inflammables, y compris le pétrole brut, dans des wagons-citernes a augmenté ces dernières années, de même que l'intérêt de mieux comprendre la réaction des wagons-citernes aux conséquences potentielles d'un accident, comme les conditions d'incendie. Le contenu du wagon-citerne peut être une source de combustible inflammable, qui peut se déverser et s'enflammer en cas d'accident. Lorsqu'un wagon-citerne est chauffé par les flammes, il peut se rompre violemment (p. ex. les ruptures causées par la chaleur ou les explosions due à l'expansion des vapeurs d'un liquide en ébullition [BLEVE]). Il est essentiel de comprendre l'environnement d'un incendie autour d'un wagon-citerne pour évaluer le danger qu'il représente sur le wagon-citerne et sur la performance de ses mécanismes de sécurité (p. ex. le limiteur de pression) et le comportement de son contenu.

Objectifs

L'objectif de la présente étude expérimentale était de caractériser, dans le cadre d'expériences réalisées à échelle réduite, l'environnement thermique entourant les wagons-citernes enveloppés de feux en nappe alimentés par différents types de pétrole brut. L'expérience a été réalisée alors que le wagon-citerne était entièrement enveloppé de flammes car cette situation représente le pire des scénarios en termes de danger potentiel pour le wagon-citerne.

Méthodes

Un calorimètre cylindrique conçu pour simuler un wagon-citerne à l'échelle 1:10 a été placé au-dessus d'un feu en nappe de 2 m de diamètre (voir la figure 1). Le calorimètre était muni des instruments nécessaires pour mesurer le flux thermique total à différents endroits de sa surface et sur sa circonférence. Une description détaillée de l'instrumentation du calorimètre est fournie dans [Ko, et al. 2019].

Deux types de pétrole brut différents ont été testés : Le pétrole brut de Bakken, qui contient des concentrations plus élevées de gaz dissous et d'hydrocarbures légers et volatils, et le pétrole brut de bitume dilué (dilbit), qui est l'une des variétés de pétrole brut les plus lourdes transportées au Canada. L'heptane a également été testé afin de fournir des données de référence auxquelles les résultats des tests sur le pétrole brut de Bakken et de dilbit pourraient être comparés.

Les pétroles bruts utilisés dans le programme d'essai ont été spécialement traités pour garantir un changement minimal de composition tout au long du processus, de la collecte initiale du pétrole au transport vers le site d'essai et au remplissage du réservoir. Cela a été fait pour que les essais au feu permettent de saisir les caractéristiques de combustion de tous les composants du pétrole brut, y compris les fractions légères. Une étude parallèle visant à caractériser les propriétés du pétrole brut a été menée en partie pour compléter les données des essais d'incendie et permettre une corrélation potentielle du comportement de l'incendie avec les propriétés du combustible. L'évaluation de ces corrélations potentielles n'entre pas dans le cadre de cette étude.

Pour étudier le comportement au feu des combustibles, le taux de combustion de la masse de combustible, la hauteur des flammes, le débit thermique, les températures du panache, les températures des couches de combustible, le pouvoir émissif de la flamme par unité de surface et le flux thermique incident à une certaine distance du feu ont été mesurés.

L'étude a également examiné les effets de la présence et du placement du calorimètre à différentes hauteurs au-dessus de la surface du combustible, des différentes températures des combustibles, et des différentes méthodes d'alimentation en combustible du réservoir (laisser le combustible brûler au lieu de maintenir une profondeur de combustible constante) sur les caractéristiques du feu.

Un calorimètre cylindrique conçu pour simuler un wagon-citerne à l'échelle 1:10 a été placé au-dessus d'un feu en nappe de 2 m de diamètre

Figure 1 – Mise en place des tests

Résultats

L'étude parallèle de caractérisation du pétrole brut a révélé que les échantillons de pétrole brut de Bakken et de dilbit contenaient de multiples composants avec une vaste répartition de nombre de carbones, y compris des fractions légères dont le nombre de carbones est faible. Plus particulièrement, le pétrole brut dilbit contient une fraction relativement importante de C25+, environ 60 % en masse, alors que le pétrole brut de Bakken contient environ 20 % de C25+ en masse.

Les caractéristiques des combustibles se reflètent dans le comportement au feu de chaque combustible. Contrairement au pétrole brut de Bakken et aux feux en nappe d'heptane, le pétrole brut dilbit a montré un comportement au feu instable en raison de sa quantité importante de fractions lourdes, ce qui a potentiellement provoqué une distillation importante de composants et la vaporisation ainsi que la pyrolyse progressives des fractions lourdes.

Le débit thermique moyen (mesuré par calorimétrie par consommation d'oxygène) dans les tests avec le calorimètre placé à 1 m au-dessus de la surface du combustible était de 3,2 à 3,8 MW pour le pétrole brut de Bakken et de 4,4 à 5,4 MW pour l'heptane. Un débit thermique moyen de 3,7 MW a été mesuré (aussi mesuré par calorimétrie par consommation d'oxygène) lors de l'essai au feu avec le dilbit sans le calorimètre. Cependant, en raison du comportement au feu très variable du pétrole brut de dilbit, les débits thermiques moyens estimés en utilisant le taux de combustion de la masse de combustible mesuré ont indiqué une grande incertitude, empêchant ainsi la comparaison des résultats du débit thermique de dilbit avec les données sur le pétrole brut de Bakken et de l'heptane.

La hauteur des flammes sur le feu en nappe de 2 m de diamètre, qui est dépendante du débit thermique, était respectivement de 5,6 à 6,8 m, de 4,3 à 4,5 m et de 3,4 à 3,6 m pour les feux d'heptane, de pétrole brut de Bakken et de dilbit. La figure 2 montre des images thermiques de feux d'heptane, de pétrole brut de Bakken et de dilbit (provenant d'essais équivalents où chaque type de combustible avait un calorimètre à 1 m au-dessus de la surface du combustible)

Images thermiques des feux d'heptane, de pétrole brut de Bakken et de dilbit

Figure 2 – Images thermiques des feux d'heptane, de pétrole brut de Bakken et de dilbit

Comme le montre la figure 2, la température de la flamme mesurée et le pouvoir émissif de la flamme par unité de surface sont plus élevés dans la partie inférieure du feu, et les valeurs diminuent progressivement sur la longueur de la flamme. Le pouvoir émissif de la flamme par unité de surface mesurée était respectivement d'environ 180, 200 et 190 kW/m2 pour les feux d'heptane, de pétrole brut de Bakken et de dilbit. Les feux d'heptane ont affiché le débit thermique le plus élevé, mais le pouvoir émissif de la flamme par unité de surface le plus faible.

Le flux thermique total moyen vers le calorimètre a montré la valeur la plus élevée dans les incendies de pétrole brut de Bakken. Le flux thermique total moyen pour le pétrole brut de Bakken était plus élevé d'un facteur d'environ 1,3 et 1,6 que celui des incendies d'heptane et de dilbit, respectivement (~96 kW/m2, contre ~72 kW/m2 et ~58 kW/m2).

Le flux thermique total vers le calorimètre a été affecté par le pouvoir émissif de la flamme environnante au point où le calorimètre était placé. Pour cette raison, les flux thermiques mesurés à différents endroits de la surface du calorimètre étaient inégaux sur la circonférence du calorimètre. Lorsqu'il a été placé à 0,5 m au-dessus du feu de pétrole brut de Bakken, le flux thermique mesuré à la base du calorimètre était beaucoup plus faible que celui du haut, ce qui indique l'impact de la zone du calorimètre où la température du combustible est plus froide en bas du calorimètre.

Conclusions

Dans l'ensemble, les feux d'heptane et de pétrole brut de Bakken ont montré une combustion continue et régulière tout au long de l'essai, tandis que les feux de dilbit ont montré un comportement de combustion instable, qui est principalement causé par la composition du combustible contenant une plus grande fraction d'hydrocarbures lourds que le pétrole brut de Bakken et l'heptane.

Le flux thermique moyen vers le calorimètre utilisé pour les incendies de pétrole brut de Bakken et de dilbit était plus élevé que celui des incendies d'heptane, bien que les débits thermiques mesurés des incendies de pétrole brut de Bakken et de dilbit aient été inférieurs à ceux des feux en nappe d'heptane. La raison principale de l'augmentation de la chaleur sur le calorimètre dans les incendies de pétrole brut de Bakken et de dilbit est due au fait que le flux thermique total vers le calorimètre est principalement affecté par l'exposition thermique par rayonnement provenant de la flamme et que les incendies de pétrole brut de Bakken et de dilbit ont une fraction de chaleur par rayonnement plus élevée.

Aucun effet significatif n'a été noté sur les valeurs moyennes mesurées concernant la température du combustible d'alimentation ou de la méthode d'alimentation en combustible du réservoir (c.-à-d. laisser le combustible brûler au lieu de maintenir une profondeur de combustible constante). La température plus élevée du combustible d'alimentation a causé une augmentation du taux de combustion d'environ 10 % pour les tests de l'heptane et du pétrole brut de Bakken. Le fait de laisser le combustible brûler, plutôt que de maintenir un niveau de combustible constant, a eu un effet minimal sur les valeurs moyennes du taux de combustion de la masse de combustible et les caractéristiques générales des feux en nappe de pétrole brut de Bakken. Pour le dilbit, l'effet de la composition du combustible sur le comportement au feu a été observé dans l'alimentation continue et non continue en combustible. Le comportement au feu non uniforme est devenu plus facile à discerner lorsqu'il n'y avait pas d'alimentation continue en combustible dans le réservoir. En raison du comportement au feu instable, l'impact de la présence du calorimètre a été difficile à saisir pour les feux de dilbit, tandis que pour les essais effectués avec du pétrole brut de Bakken, le taux de combustion de la masse de combustible a été réduit de 10 à 15 % lorsque le calorimètre a été placé au-dessus de la nappe.

Mesures à venir

Une analyse détaillée des données obtenues lors du programme de tests sera menée pour mieux comprendre l'exposition thermique du calorimètre enveloppé par le feu. Le comportement au feu variable dans le temps du dilbit sera analysé plus en détail afin de comprendre le comportement au feu de ce combustible à composants multiples présentant des processus de vaporisation non uniformes. De plus, les données d'essai seront comparées à d'autres données d'essai déjà publiées afin d'identifier les différences potentielles de comportement au feu entre divers pétroles bruts et autres combustibles hydrocarbonés.

Les données à échelle réduite obtenues dans le cadre du programme de test devraient être transposées à l'échelle d'un scénario d'incendie réel impliquant la taille réelle d'un wagon-citerne, des feux de déversement de différentes tailles et l'impact du vent. Des simulations numériques sont prévues pour faciliter l'extrapolation des données d'essai au-delà de l'échelle et des conditions expérimentées dans le programme de test. Les possibilités techniques de modélisation numérique des incendies de pétrole brut ont été étudiées et présentées dans [Gomaa, et coll. 2019]. La simulation numérique pourrait probablement fournir une indication raisonnable du comportement probable de l'incendie, à un coût et un risque bien moindres que les tests d'incendie de wagons-citernes à l'échelle réelle.

Références

Ko, Y., Lam C., Gibbs,E., Lafrance, P. et Weinfurter, M. (2020) Rail tank cars exposed to fires: experimental analyses of thermal conditions imposed to a railcar engulfed in crude oil fires (series 1-3 tests), en impression, NRC Report No: A1-010647-01, Conseil national de recherches du Canada.

Ko, Y., Lam C., Luketa, A., Lord, D., Butko, A., Kirney, C., Spiess, M. (2019) Tank cars engulfed in fires: heat flux measurements, Proceedings of the 12th international conference, INTERFLAM, UK.

Gomaa, I., Elsagan, N., Lam, C., Ko, Y., (2019) Evaluation of CFD Tools for Crude Oil Fire Simulations (Modeling Steps in openFOAM and FDS), NRC Report No: A1-010647-02, Conseil national de recherches du Canada.

ISBN :
Document d'essai du CNRC
ISBN 978-0-660-37228-0 (pour la version papier)
ISBN 978-0-660-37228-0 (pour la version PDF)

TP: TP 15465

Catalogue: T86-69/2021E-PDF

Remerciements

Ce projet a été financé par Transports Canada, et les tests au feu ont été réalisés par Sandia National Laboratories. Un soutien supplémentaire a été apporté dans le cadre de la recherche sur la caractérisation du pétrole brut (Crude Oil Characterization Research Study) par le U.S. Department of Energy et le US Department of Transportation

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Division de la recherche scientifique du TMD

Mots clés :

Incendies de pétrole brut, feux en nappe, wagons-citernes