Examen des systèmes coopératifs de circulation en peloton de camions

Sommaire

La présente analyse documentaire vise à fournir à Transports Canada des renseignements généraux sur les systèmes coopératifs de circulation en peloton de camions (SCCPC). Ce rapport résume en outre les avantages potentiels, les technologies habilitantes, les démonstrations et les essais importants, les facteurs ayant une incidence sur la sécurité et la consommation de carburant ainsi que les autres éléments à prendre en considération dans le cadre de l’utilisation d’un tel système. Des renseignements pertinents ont été puisés dans des documents techniques, des rapports, des présentations, des travaux de congrès et des sites Web publics. Des lacunes importantes en matière de connaissances, particulièrement en ce qui a trait aux conditions et aux contraintes qui sont uniques pour le Canada (p. ex., la géographie, le climat, les infrastructures, les questions sociopolitiques, etc.) ont par ailleurs été ciblées.

Un SCCPC utilise la communication sans fil et l’automatisation pour créer un convoi ou un « peloton » d’au moins deux camions qui se suivent de très près. Chaque camion qui en suit un autre utilise des renseignements obtenus à partir de capteurs installés à bord du véhicule, en plus de recevoir des données du camion qui se situe en tête du peloton au moyen d’une connexion sans fil. Ce processus permet au camion de mesurer et d’ajuster de façon « coopérative » sa position en fonction de la vitesse, de la direction et de l’accélération du camion qui le précède. Alors qu’un conducteur professionnel expérimenté est habituellement en tête du peloton, les conducteurs des camions suivants participent activement aux tâches liées à la conduite; il est toutefois possible d’utiliser des niveaux supérieurs d’automatisation. L’étude porte sur les pelotons de camions lourds qui circulent sur des voies non réservées aux camions de routes à chaussées séparées dans une situation de circulation mixte, et n’aborde que très peu les sujets des pelotons mixtes de voitures et de camions et des pelotons de camions entièrement automatisés.

Les avantages potentiels découlant d’un SCCPC

Le SCCPC peut offrir l’occasion de réduire de façon importante la consommation de carburant et les émissions, tout en améliorant potentiellement la sécurité et l’efficacité des routes. La diminution de l’espace entre les véhicules réduit la traînée aérodynamique de tous les véhicules dans un peloton, alors que le maintien d’une vitesse uniforme réduit la fréquence d’accélération et de décélération, tout en diminuant la consommation de carburant et les émissions de CO2. Puisque les grands routiers atteignent annuellement un kilométrage très élevé et circulent la plupart du temps à grande vitesse sur une autoroute, les économies pourraient être substantielles. Les essais et les démonstrations examinés dans le cadre de l’étude ont démontré des économies de carburant de l’ordre de 4,5 à 21 pour cent.

L’examen de la documentation disponible a permis de constater qu’il est possible de réduire ou d’éliminer les carambolages (lesquels surviennent souvent en raison de l’inaptitude des conducteurs à réagir de façon rapide dans les situations d’urgence) grâce à l’utilisation de capteurs, de la communication de véhicule à véhicule (VV) et de certaines commandes automatiques de véhicule. En ce qui concerne les pelotons de camions de systèmes coopératifs, la nécessité de changer de vitesse ou d’effectuer des manœuvres est communiquée automatiquement par le peloton en temps réel de façon à ce que celui-ci fonctionne comme une unité synchronisée, tout en assurant la fluidité de la circulation et en améliorant l’efficacité du trafic. En outre, comme l’espace entre les véhicules est réduit, la densité de la circulation est accrue de manière à renforcer l’efficacité des routes.

Les technologies habilitantes

La mise en place du SCCPC est possible grâce à l’émergence de nombreuses technologies complémentaires, dont les différents systèmes avancés d’assistance au conducteur (ADAS), la communication de VV ainsi que les méthodes modernes de contrôle des véhicules et les interfaces personne-machine. C’est l’ajout de la communication de VV à un régulateur de vitesse et d’espacement (RVE), connu sous le nom de régulateur de vitesse adaptative coopérative, qui permet au final l’utilisation du SCCPC.

Les technologies utilisées pour surveiller la zone entourant un véhicule comprennent les radars de courte et de longue portée, la technologie LiDAR, les caméras et les capteurs ultrasons. Grâce à la « fusion de capteurs », les capteurs sont souvent intégrés à l’exploitation des caractéristiques des différentes technologies afin d’obtenir une vision plus précise du milieu ambiant et de réduire la complexité d’intégration. Le contrôle électronique des véhicules et les systèmes de commande permettant l’utilisation de télécommandes d’accélération, de direction et de freinage, constituent également des technologies importantes pour assurer l’automatisation du SCCPC. Les panneaux d’affichage modernes des groupes d’instruments et des tableaux de bord sont intuitifs et interactifs, et peuvent être configurés de manière à fournir des renseignements supplémentaires au peloton.

Différents médias (des bandes de fréquences), comme les ondes décimétriques (O.dm), les micro-ondes, les ondes millimétriques et l’infrarouge, ont été utilisés pour assurer la communication de VV dans les essais de pelotons. Bien que chacun de ces médias et chacune de ces bandes de fréquences comporte ses propres avantages et restrictions, la communication spécialisée à courte portée (CSCP) à 5,9 GHz a évolué et est devenue le moyen de communication « standard » de VV (et de véhicule à infrastructure).

Études, essais et démonstrations

D’importants projets ont été mis en place aux États-Unis, en Europe et en Asie afin d’évaluer les avantages et la faisabilité du SCCPC. Lancé en 1986 en Californie, le programme PATH a permis d’effectuer depuis plusieurs essais de circulation en peloton de deux et de trois camions. Le projet européen PROMOTE-CHAUFFEUR constitue quant à lui l’une des premières démonstrations du SCCPC comportant deux camions et utilisant le système de « barre de remorquage électronique ». Une seconde phase du projet a démontré la faisabilité d’un peloton de trois camions dans des situations réelles. Dans le cadre du projet allemand KONVOI, on a mené une enquête sur les avantages et les problèmes de déploiement associés à l’utilisation du SCCPC dans une situation de circulation mixte sur des autoroutes. Le projet européen SARTRE a fait la démonstration d’un peloton mixte de voitures et de camions évoluant dans un environnement public caractérisé par une circulation mixte. Le peloton était dirigé par un camion avec chauffeur qui était suivi par des véhicules automatisés. Le projet japonais Energy ITS a par ailleurs fait la démonstration d’un peloton de trois camions individuels identiques de 25 tonnes qui étaient tous commandés de façon automatique (y compris le véhicule situé en tête du peloton) pendant qu’ils circulaient en peloton. Scania se prépare à réaliser des essais de circulation en peloton entre les villes suédoises de Södertälje et de Helsingborg, tout en coordonnant le départ quotidien de plusieurs camions de manière à former un peloton sitôt les véhicules embarqués sur l’autoroute. L’entreprise a proposé un concept de SCCPC pour deux camions de classe 8 qui reposait sur l’installation de composants dérivés de gammes commerciales. La proposition comprend l’exploitation d’un centre des opérations d’un réseau de pelotons dans lequel on coordonnerait les possibilités de liaison et gérerait les activités des pelotons afin de favoriser des conditions sécuritaires de circulation en peloton.

Le programme Connected Vehicle Safety Pilot comprend des cliniques de conducteurs dans l’ensemble des États-Unis, ainsi qu’un modèle de déploiement à grande échelle qui a été mis en place à Ann Arbor, au Michigan, d’août 2012 à décembre 2013. Plus de 2 800 véhicules, dont des voitures, des camions et des autobus, ont été munis d’appareils de communication de VV utilisant la CSCP à 5,9 GHz. Le modèle de déploiement évaluera l’efficacité de nombreuses applications de la sécurité, et des cliniques de conducteurs seront utilisées pour étudier les réactions des chauffeurs face à la technologie et aux applications de la sécurité. La National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA) utilisera ces résultats pour décider s’il faut améliorer la technologie à l’aide de projets de règlement ou de recherches supplémentaires, ou de l’utilisation d’une combinaison de ceux-ci.

Les facteurs ayant une incidence sur la sécurité

La sécurité du SCCPC dépend de nombreux facteurs, dont la fiabilité de l’équipement; l’espacement entre les véhicules dans un peloton; la longueur d’un peloton; la vitesse et la composition d’un peloton; les manœuvres d’un peloton; le niveau d’automatisation; la circulation environnante; les conditions météorologiques; la sécurité des données; et les facteurs humains. La conception du système doit intégrer un niveau élevé de surveillance de la santé (p. ex., des diagnostics, des tests intégrés), et prévoir des modes de fonctionnement à sûreté intégrée afin d’atténuer le danger associé à une défectuosité de l’équipement. Le conducteur (s’il y en a un) doit être en mesure de faire fonctionner et de commander le système en tout temps.

Les délais de communication et les temps de réponse du système doivent être pris en considération lorsque vient le temps de déterminer les intervalles minimaux de sécurité des véhicules formant un peloton. Par ailleurs, l’utilisation de voies réservées pourrait renforcer la sécurité du SCCPC, puisque celles-ci permettent de prévoir de façon raisonnable le comportement des autres véhicules et qu’elles assurent davantage une vitesse uniforme. Les conditions météorologiques défavorables peuvent avoir une incidence sur la faisabilité, l’efficacité et la sécurité d’un SCCPC. Plusieurs conditions ne permettent pas en outre l’utilisation sécuritaire d’un peloton. Il est également nécessaire de prendre en considération les problèmes de sécurité des données et d’élaborer des mesures de prévention appropriées.

Les facteurs ayant une incidence sur la consommation du carburant

La diminution de la consommation du carburant et des émissions de CO2 qui peut être possible grâce au SCCPC dépend de plusieurs facteurs, dont la taille, le type et le poids d’un véhicule; l’espacement entre les véhicules dans un peloton; la longueur et la vitesse d’un peloton; l’alignement latéral des véhicules d’un peloton; les vents latéraux; et la durée de la circulation du  peloton mis en place. Des espacements courts entre les véhicules formant un peloton peuvent réduire de façon importante la traînée aérodynamique, entraînant par le fait même une diminution de la consommation du carburant et des émissions. Les économies potentielles de carburant augmentent au fur et à mesure que l’écart entre les véhicules diminue, jusqu’à l’occurrence d’un écart d’environ 8 m pour les camions lourds. Comme les véhicules qui se situent entre celui qui se trouve en tête et celui qui ferme le peloton sont ceux qui réalisent des économies de carburant les plus importantes, plus le peloton est long, plus les économies nettes sont substantielles. De même, plus l’écart est court entre les véhicules et plus le peloton est long, meilleures seront la densité de la circulation et, par conséquent, la capacité de la route. La longueur du peloton est délimitée par la vitesse et la fiabilité de la communication de VV requise afin d’assurer la stabilité de la chaîne. La longueur doit également être limitée afin d’éviter les goulots d’étranglement aux entrées et aux sorties des autoroutes. La vitesse du peloton devrait être optimisée de manière à réaliser la plus grande économie de carburant des véhicules individuels. Bien que la consommation de carburant soit influencée par le poids du véhicule (en raison de la résistance du roulement), la diminution réelle de la consommation de carburant liée au SCCPC, qui est exprimée en L/100 km, dépend du poids du véhicule. Les économies de carburant potentielles sont sensibles à l’alignement latéral des véhicules, et les vents latéraux ont tendance à augmenter la traînée aérodynamique de tous les véhicules dans le peloton. La durée de la circulation en peloton détermine les économies de carburant qui peuvent être réalisées grâce au SCCPC. Dans le cadre d’une situation de circulation mixte, les insertions de véhicules qui ne font pas partie du peloton constituent le plus grand obstacle au maintien de l’intégrité du peloton. L’accélération requise par tous les véhicules qui suivent pour réduire l’écart et rétablir le peloton à la suite d’un dépassement est inefficace. Puisque la traînée aérodynamique varie selon la densité de l’air, et que la diminution du coefficient de traînée liée au SCCPC devrait être similaire à toutes les températures ambiantes, la diminution de la consommation de carburant devrait être plus substantielle par temps froid.

Les autres facteurs à prendre en considération

Pour exploiter un SCCPC, une certaine coordination est nécessaire afin de concevoir et de former le peloton, tout en prenant en considération des facteurs comme le type, le poids, les paramètres de rendement, l’équipement installé, le positionnement actuel et la destination d’un camion. Une collaboration et des accords financiers entre les transporteurs pourraient être nécessaires également. Une réglementation provinciale sera par ailleurs requise afin d’autoriser et de contrôler les pelotons. Il serait envisageable de s’appuyer sur celle qui avait été établie pour les véhicules articulés allongés (VAA). De même, il serait nécessaire d’élaborer des spécifications liées à l’équipement, de la formation et des qualifications des conducteurs, des certifications d’inspection par des organismes, etc. Comme des données sont échangées entre les véhicules, les questions de confidentialité devront être abordées. Il faudra également résoudre les questions liées à la responsabilité, puisque les systèmes partiellement automatisés et les conducteurs principaux assument une certaine responsabilité dans la circulation d’un peloton. Les voies réglementées ou les voies réservées aux camions peuvent faciliter l’introduction du SCCPC, tout en ayant une incidence minimale sur l’infrastructure existante. Enfin, les camionneurs doivent démontrer un intérêt envers le SCCPC pour que celui-ci gagne en popularité. L’amélioration du confort, de la sécurité et de l’efficacité de la conduite ainsi que la diminution de la consommation de carburant pourraient inciter les chauffeurs à accepter le système.

Comparaison avec les véhicules articulés allongés (VAA)

Les VAA sont des véhicules individuels qui comprennent un tracteur routier et deux ou trois remorques de pleine longueur, lesquels sont bien adaptés pour transporter des marchandises légères ayant tendance à « remplir rapidement » un camion. La consommation de carburant et les émissions sont réduites de façon importante en raison de l’élimination d’un ou deux tracteurs routiers, en plus de la diminution de la traînée aérodynamique entre les remorques en raison des courts intervalles. Les contraintes liées à ces véhicules comprennent habituellement l’endroit et le moment où les VAA peuvent circuler sur les routes, ainsi que la vitesse maximale et le poids. Puisqu’un VAA n’utilise qu’un tracteur routier, il doit se déplacer en tout temps comme un véhicule d’attelage complet, ce qui signifie habituellement entre les terminaux conçus pour accueillir les VAA. D’un autre côté, il est possible de former facilement et de dissoudre au besoin les pelotons. Ceux-ci offrent une plus grande souplesse, car chaque remorque est matériellement attachée à un tracteur d’une taille appropriée de manière à ce que les combinaisons tracteur-remorque puissent circuler de façon indépendante. Le nombre de tracteurs routier (ou de conducteur) n’est toutefois pas réduit et l’écart minimal est plus élevé que ce qui est possible avec les VAA; par conséquent, les économies potentielles de carburant sont considérablement moindres avec les pelotons que ce qui est possible avec les VAA.

Le rapport complet peut être consulté à l'adresse :
http://nparc.cisti-icist.nrc-cnrc.gc.ca/eng/view/object/?id=0ca2ad79-2895-4ddb-96d6-ce9caa9297c8