Rapport au Parlement, Loi sur la responsabilité en matière maritime, Partie 5 : Responsabilité en matière de transport de marchandises par eau

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I. Objet

Le présent Rapport au Parlement, rédigé en vertu de la Partie 5 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime (LRM) détermine si les Règles de Hambourg doivent remplacer les Règles de La Haye-Visby en tant que régime canadien de responsabilité pour les cargaisons transportées par voie maritime.

L’article 44 de la LRM exige que le ministre des Transports dépose ce rapport avant le 1er janvier 2020.

II. Présentation

La LRM regroupe dans une seule et même loi tous les régimes canadiens en la matière, y compris la responsabilité de l’armateur en cas de cargaison perdue ou endommagée. La législation canadienne concernant la responsabilité relative aux cargaisons repose sur une convention internationale de 1968 connue sous le nom de Règles de La Haye-Visby, bien que le Canada n’ait jamais officiellement ratifié ces Règles ni leurs prédécesseurs, les Règles de La Haye de 1924. Les Règles de La Haye-Visby établissent les droits, les devoirs et les obligations des parties à certains contrats relatifs au transport maritime des marchandises, y compris les droits du transporteur de restreindre la responsabilité si la cargaison est endommagée alors qu’elle se trouve à bord d’un bâtiment.

Toutefois, la LRM renferme également des dispositions visant à ce que les Règles de Hambourg les plus récentes remplacent les Règles de La Haye-Visby et détermine que le ministre doit périodiquement envisager un tel remplacement et informer le Parlement de ses conclusions. Quatre rapports à cet égard, produits en 1999, en 2004, en 2009 et en 2014, ont conclu que le Canada devait poursuivre ses activités en fonction des Règles de La Haye-Visby, afin de maintenir l’uniformité avec la plupart de ses principaux partenaires commerciaux.

III. Historique des Règles de Hambourg

En 1976, la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) a finalisé l’ébauche d’une nouvelle convention sur le transport des marchandises par eau. Cette convention, qui a été finalisée et adoptée à l’occasion d’une conférence diplomatique tenue à Hambourg, en Allemagne, appelée la Convention des Nations Unies de 1978 sur le transport des marchandises par mer, est mieux connue sous le nom de Règles de Hambourg.

Les Règles de Hambourg sont considérées par plusieurs États, en particulier ceux comme le Canada, qui sont principalement des consommateurs plutôt que des fournisseurs de services de transport, comme une amélioration par rapport aux Règles de La Haye-Visby, pour les raisons suivantes :

  • elles prolongent la période de responsabilité d’un transporteur en cas de cargaison perdue ou endommagée afin d’inclure l’entière période durant laquelle les marchandises relèvent de sa responsabilité, plutôt que seulement lorsque les marchandises se trouvent à bord du bâtiment;
  • elles établissent la responsabilité du transporteur lorsqu’un retard dans la livraison entraîne des pertes économiques;
  • elles imposent au transporteur la responsabilité de prouver que toutes les mesures raisonnables possibles ont été prises pour éviter les dommages et les pertes plutôt que d’obliger le demandeur à prouver la négligence du transporteur;
  • elles s’appliquent à divers documents de transport par eau auxquels les Règles de La Haye-Visby ne s’appliquent pas; et
  • elles relèvent les limites de la responsabilité du transporteur.

Une étude financée par Transports Canada et réalisée en 1982 conclut également que les Règles de Hambourg représentent une amélioration par rapport aux Règles de La Haye-Visby et que le Canada devrait les adopter. Cela a mené à l’examen de la loi canadienne de l’époque, la Loi sur le transport des marchandises par eau de 1936, qui était fondée sur les Règles de La Haye de 1924.

En 1984, Transports Canada a publié un document de travail qui recommandait que le Canada adopte les Règles de Hambourg. Les expéditeurs étaient en faveur de cette recommandation, mais les transporteurs océaniques, leurs assureurs, les assureurs des cargaisons et les juristes ont privilégié l’adoption des Règles de La Haye-Visby. Les transporteurs océaniques ont soulevé la possibilité que les Règles de Hambourg puissent accroître les frais d’expédition et de litige, étant donné que la jurisprudence fondée sur les Règles de La Haye ne s’appliquerait plus.

Des consultations publiques approfondies ont permis de convenir que le Canada adopte une approche à deux volets en mettant immédiatement en œuvre les Règles de La Haye-Visby, assorties d’une disposition assurant l’entrée en vigueur des Règles de Hambourg lorsqu’un nombre suffisant de partenaires commerciaux importants du Canada les auront ratifiées. Cette approche a été intégrée dans la Partie 5 de la LRM.

IV. Nouveautés sur la scène internationale

Les Règles de Hambourg sont entrées en vigueur en novembre 1992, 14 ans après leur adoption par les Nations Unies. À ce jour, 34 États les ont ratifiées, mais le Canada et d’autres grandes nations commerçantes n’y ont pas adhéré, ni ne les ont complètement intégrées dans leur législation. Le délai de 14 ans entre l’adoption et l’entrée en vigueur de ces Règles souligne à quel point les États hésitent à les adopter.

À l’heure actuelle, les Règles de Hambourg s’appliqueraient à une très petite partie du commerce international maritime. Les 34 pays qui ont ratifié les Règles de Hambourg représentaient moins de 4 % du commerce maritime canadien en 2018. Par comparaison, les quelque 80 pays qui sont parties aux Règles de La Haye ou aux Règles de La Haye-Visby comptaient pour plus de 45 % du commerce maritime canadien (voir l’annexe 1 pour obtenir de plus amples renseignements). Le pourcentage serait plus élevé si on incluait les États qui (comme le Canada) avaient mis en œuvre les Règles de La Haye ou les Règles de La Haye-Visby, sans toutefois les ratifier.

À l’origine, on avait espéré que les Règles de Hambourg se révèlent le régime international permettant d’atteindre l’uniformité dans la responsabilité relative aux cargaisons. Malheureusement, le peu de soutien de la part de la communauté internationale a fait qu’elles ne sont plus considérées comme une solution de remplacement viable des règles de La Haye-Visby. Par conséquent, certains États, dont le Canada, ont demandé l’élaboration d’une convention moderne et fondée sur la technologie de pointe pour contrer le manque d’uniformité.

Le Comité maritime international (CMI) a entrepris la rédaction de l’ébauche initiale d’un tel instrument, ce qui a mené en 2001 à l’établissement par la CNUDCI du Groupe de travail sur le droit des transports, lequel visait à formuler une nouvelle convention internationale sur le transport des marchandises par mer. En décembre 2008, l’Assemblée générale des Nations Unies (ONU) a adopté la Convention sur les contrats pour le transport international des marchandises effectué entièrement ou partiellement par mer. La portée de la nouvelle Convention est beaucoup plus vaste que celle de ses trois prédécesseurs, étant donné qu’elle s’applique à tous les mouvements de marchandises depuis leur point d’origine jusqu’à leur destination, comptant un parcours maritime international. De plus, ses 96 articles (par comparaison, les Règles de La Haye-Visby n’en comptent que dix et les Règles de Hambourg, 34) couvrent un éventail élargi de sujets et s’appliquent à un plus grand nombre de documents de transport par eau, y compris des documents électroniques, que ses prédécesseurs.

Le 23 septembre 2009, cette nouvelle Convention a été ouverte à la signature à l’occasion d’une cérémonie de l’ONU qui a eu lieu à Rotterdam, aux Pays-Bas; elle est depuis appelée les Règles de Rotterdam. Ce jour-là, 16 États ont signé la Convention, puis neuf autres États l’ont signée depuis, en attente de ratification. Si 20 de ces 25 États ratifient les Règles de Rotterdam, celles-ci entreront en vigueur à l’échelle internationale.

Transports Canada a abondamment consulté les intervenants du transport maritime canadien durant les négociations relatives aux Règles de Rotterdam : ceux-ci avaient des opinions partagées sur la question de savoir si le Canada devait ou non signer et, plus tard, ratifier la Convention. Le Canada n’a pas signé la nouvelle Convention, mais en septembre 2009, Transports Canada a informé les intervenants que le Ministère surveillerait étroitement l’acceptation internationale des Règles de Rotterdam, afin d’assurer que nos lois sur la responsabilité relative aux cargaisons cadrent avec celles de nos principaux partenaires commerciaux.

À ce jour, seulement quatre États (le Congo, l’Espagne, le Togo et le Cameroun) ont ratifié les Règles de Rotterdam, et presque rien n’indique que d’autres États emboîteront le pas, à moins que les États-Unis le fassent (ce qui ne semble pas être le cas). Cette situation est semblable à celle des Règles de Hambourg dans le contexte desquelles 21 États, dont les États-Unis et d’autres grands États commerçants, ont signé ces Règles en attente de ratification, mais ne les ont jamais ratifiées. Seuls sept États ayant signé les Règles de Hambourg les ont par la suite ratifiées, et les 27 autres ne les ont pas signées.

L'absence d'une convention unique et acceptable à l'échelle mondiale sur la responsabilité du fret maritime a encouragé un certain nombre d'États à moderniser leur législation fondée sur les Règles de La Haye-Visby (par exemple, le Royaume-Uni) ou à adopter une législation hybride dans laquelle les dispositions du régime de La Haye-Visby occupent une place importante (par exemple, la Chine, principal partenaire commercial maritime du Canada).

V. Conclusion

Malgré leurs lacunes, les Règles de La Haye-Visby demeurent le régime de responsabilité pour les cargaisons transportées par voie maritime le mieux placé pour appuyer l’objectif du Canada de maintenir l’uniformité avec nos principaux partenaires commerciaux. Par conséquent, aucune mesure ne doit être prise en vertu de l’article 44 de la LRM en vue de mettre en œuvre les Règles de Hambourg.

Toutefois, au cours des prochains mois, Transport Canada, en consultation avec les intervenants, va évaluer la possibilité de procéder à des modifications limitées de la Loi sur la responsabilité en matière maritime, lesquelles pourraient :

  1. aborder de façon plus précise les pratiques du commerce maritime qui n’existait pas au moment de la rédaction des Règles de La Haye-Visby; et
  2. maintenir malgré tout l’uniformité avec les principaux partenaires commerciaux du Canada.

Annexe I – Échanges commerciaux maritimes canadiens selon le régime de responsabilité des partenaires commerciaux

Règles de la Haye/de la Haye-Visby

Pays

% du commerce maritime canadien, 2018*

États-Unis

15,12 %

Allemagne

5,04 %

Royaume-Uni

3,29 %

Pays-Bas

3,21 %

Italie

2,21 %

Belgique

1,91 %

France

1,82 %

Norvège 

1,44 %

Espagne

1,28 %

Suisse

1,02 %

Hong Kong

1,01 %

Suède

0,83 %

Malaisie

0,65 %

Finlande

0,58 %

Singapour

0,46 %

Cuba

0,45 %

Irlande

0,43 %

Pologne

0,42 %

Pérou

0,40 %

Danemark

0,39 %

Russie

0,34 %

Trinité-et-Tobago

0,25 %

Algérie

0,21 %

Autres

3,65 %

Sous-total

46,44 %

Règles de Hambourg

Pays

% du commerce maritime canadien, 2018*

Égypte

1,14 %

Chili

0,60 %

Nigéria

0,37 %

Autriche

0,35 %

Maroc

0,26 %

Roumanie

0,14 %

République tchèque

0,13 %

Hongrie

0,08 %

République dominicaine

0,07 %

Kazakhstan

0,06 %

Liban

0,05 %

Kenya

0,04 %

Jordanie

0,04 %

Tunisie

0,03 %

Tanzanie

0,03 %

Guinée

0,03 %

Cameroun

0,02 %

Sénégal

0,02 %

Albanie

0,01 %

Burkina Faso

0,01 %

Paraguay

0,01 %

Ouganda

0,01 %

Barbade

0,01 %

Malawi

0,00 %

Zambie

0,00 %

Autres

0,03 %

Sous-total

3,56 %

Règles personnalisées

Pays

% du commerce maritime canadien, 2018*

Chine

21,67 %

Inde

2,12 %

Brésil

1,98 %

Autres

24,22 %

Sous-total

50,00 %

*Données de Statistique Canada pour 2018

Échanges commerciaux maritimes canadiens selon le régime de responsabilité des partenaires commerciaux pour 2018

Source : Statistique Canada, Base de données sur le commerce international canadien de marchandises