Q et R du Comité TRAN : Réponse du gouvernement du Canada à la tragédie du vol PS752

 

Q1 : Pourquoi le Canada considère-t-il que le rapport final d’accident de l’Iran est incomplet?

Le rapport final de l’Iran soulève plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Il fournit des renseignements sur ce qui s’est passé, à savoir que l’aéronef a été touché par un missile, mais il n’explique pas suffisamment la raison pour laquelle cet accident s’est produit. Le rapport conclut que le vol PS752 a été détruit par erreur, car une unité de défense aérienne a considéré le Boeing 737 comme une menace. Ce problème d’identification s’est apparemment produit en raison d’un défaut de calage du radar du lance-missiles. Ces déclarations sont faites sans être accompagnées de preuves à l’appui suffisantes.

En plus de ne pas fournir suffisamment d’éléments de preuve, le rapport a également exclu de sa portée un examen du processus de prise de décision militaire ayant conduit à la destruction de l’aéronef, en précisant qu’un tel examen ne relève pas du champ de l’enquête. Le gouvernement du Canada est fortement en désaccord avec cette évaluation. Le rapport ne fournit pas de renseignements concernant le processus décisionnel des hauts représentants militaires et civils, mais affirme néanmoins que cet aspect n’a pas contribué à la destruction du vol PS752, et incrimine carrément un opérateur de missile qui n’a pas reçu l’autorisation de tir de la part d’officiers supérieurs, comme cela aurait dû être le cas.

Du fait de ces manquements, le gouvernement du Canada ne pense pas que le rapport et les recommandations qui en découlent en matière de sécurité élimineront les risques qui pèsent sur les opérations de l’aviation civile dans l’espace aérien de l’Iran. Par ailleurs, il n’est pas possible pour d’autres États de tirer des leçons de cet accident et d’appliquer des mesures de sécurité similaires au sein de leurs propres unités militaires pour s’assurer que ce type de tragédie ne se reproduira pas, un élément clé des rapports d’enquête sur les accidents de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI).

Q2 : Pourquoi l’Iran a-t-il été autorisé à mener sa propre enquête?

Le processus international d’enquête sur les accidents de l’OACI est décrit à l’article 26 de la Convention de Chicago, et expliqué plus en détail à l’annexe 13 de l’OACI intitulée Enquêtes sur les accidents et les incidents d’aviation. En vertu de l’article 26, en cas d’accident survenu à un aéronef d’un État contractant sur le territoire d’un autre État contractant, l’État dans lequel l’accident s’est produit (État d’occurrence) ouvrira une enquête sur les circonstances de l’accident. Cette enquête doit être menée conformément aux procédures recommandées à l’annexe 13 de l’OACI, dans la mesure où les lois de l’État le permettent.

Bien que cette règle fonctionne bien dans la plupart des cas, elle donne de moins bons résultats lorsque l’État d’occurrence a, sans conteste ou prétendument, pris part à la destruction d’un aéronef civil. En pareilles situations, des conflits d’intérêts peuvent surgir et remettre en question l’intégrité et l’exhaustivité de l’enquête de sécurité réalisée.

Bien que les États puissent décider de déléguer des responsabilités d’enquête dans le cadre de tels scénarios (p. ex., l’Ukraine a délégué le pouvoir d’enquête aux Pays-Bas à la suite de la destruction du vol MH17 de Malaysian Airlines en 2014), l’État d’occurrence n’a pas obligation d’agir ainsi. Même si l’annexe 13 contient des dispositions obligatoires pour assurer l’impartialité des enquêtes, et d’autres dispositions qui pourraient atténuer des problèmes de conflits d’intérêts, des lacunes persistent, et rien, dans l’annexe 13, ne pourrait entraver le droit de l’État d’occurrence à mener l’enquête s’il le décide.

Les risques qu’un État exploite les lacunes du processus d’enquête existant sont apparus au grand jour à la suite de l’enquête et du rapport viciés de l’Iran concernant le vol PS752. L’enquête sur l’accident a donc été problématique, et le rapport connexe ne tient pas compte de certaines questions clés soulevées par le Canada et d’autres parties participant à l’enquête.

 Les manquements de l’Iran relatifs à l’annexe 13 sont les suivants :

  • Absence de protection des preuves;
  • Absence de garde en lieu sûr de l’aéronef et de son contenu;
  • Protection inadéquate du site contre les personnes non autorisées, et déplacement des preuves;
  • Nettoyage précipité du site;
  • Impossibilité de lire les enregistreurs de bord « sans délai »;
  • Absence d’identification de l’ensemble des causes et facteurs contributifs, à la fois immédiats et systémiques.

Contrarié par le statu quo et décidé à remédier aux lacunes du processus d’enquête international mises en lumière par l’Iran, Transports Canada et ses partenaires fédéraux ont procédé à une évaluation poussée des options qui permettraient de répondre aux préoccupations en matière de conflits d’intérêts liés au processus d’enquête actuel sur les accidents d’aviation.

Après cette évaluation, le Canada est d’avis que le fait de modifier l’annexe 13 pour y intégrer certaines procédures permettant de répondre aux préoccupations en matière de conflits d’intérêts liés aux enquêtes de sûreté menées dans de telles conditions peut améliorer le processus d’enquête et les recommandations connexes, et optimiser la confiance vis-à-vis du processus en question. Une telle modification améliorerait la qualité et l’utilisation des enquêtes et des recommandations connexes, ce qui contribuerait à améliorer la prévention d’accidents, qui est l’objectif fondamental de l’annexe 13.

Les pressions exercées pour réformer l’annexe 13 constituent un élément clé de la stratégie plus vaste du Canada à l’OACI. La mobilisation des partenaires internationaux a déjà commencé et devrait prendre de l’ampleur à mesure que l’année s’écoule.

Q3 : Pourquoi le Canada n’a-t-il pas été plus vigoureux pour inciter l’Iran à déployer plus d’efforts dans le cadre de son enquête sur l’accident?

Le 8 janvier 2020, seulement quelques heures après la destruction de l’aéronef, le premier ministre a fait une déclaration en demandant à ce qu’une enquête approfondie soit faite concernant l’écrasement du vol PS752. Le 9 janvier 2020, le premier ministre a annoncé publiquement que le Canada disposait de renseignements selon lesquels le vol PS752 aurait été abattu par un missile surface-air iranien, et il a, une fois encore, exhorté l’Iran à mener une enquête approfondie et crédible en vue d’établir les causes de l’écrasement.

Le Bureau de la sécurité des Transports (BST) du Canada a pris part à l’enquête, dans toute la mesure du possible permise par l’Iran, y compris à la lecture des enregistreurs de bord, concession faite après que le Canada a exercé de fortes pressions.

Le Canada a sans relâche exhorté l’Iran à assumer ses responsabilités en matière d’enquête, telles qu’elles sont décrites à l’annexe 13. Les moyens utilisés pour atteindre cet objectif ont inclus des appels bilatéraux, des correspondances ministérielles et des interventions à l’OACI en vue de demander à l’Iran de faciliter la lecture des enregistreurs de bord « sans délai ». Le Canada a également saisi toutes les occasions pour intervenir auprès de l’OACI en vue de rappeler à l’Iran ses responsabilités, telles qu’elles sont prévues à l’annexe 13. 

Le premier ministre du Canada, ainsi que le ministre Garneau et le ministre Alghabra, ont constamment formulé des préoccupations à propos de l’enquête, notamment en ce qui a trait aux manquements de l’Iran concernant la protection du site de l’écrasement, la conservation des preuves et la possibilité de lire en temps opportun les enregistreurs de bord, à la fois à l’OACI et directement avec des représentants iraniens.

Le Canada a également effectué son propre examen de l’écrasement du vol PS752 et de l’enquête menée par l’Iran, par le biais du rapport sur le vol PS752 du conseiller spécial Ralph Goodale, rapport qui a été publié le 14 décembre 2020.

De plus, le Canada a créé l’équipe canadienne médico-légale d’examen et d’évaluation, qui a examiné à la fois les sources ouvertes et des renseignements classifiés liés à la destruction de l’aéronef et qui publiera sous peu son propre rapport technique.

Enfin, en prévision d’un rapport final qui n’a pas répondu aux questions posées par le Canada, Transports Canada et ses partenaires fédéraux ont collaboré en vue d’élaborer une stratégie d’intervention coordonnée, que le Canada appliquera au cours des prochains mois à l’OACI et ailleurs.

Q4 : Qu’a fait le Canada pour gérer les risques pesant sur les opérations de l’aviation civile au-dessus et à proximité des zones de conflit?

Les personnes qui voyagent d’un bout à l’autre de la planète devraient être assurées de ne pas être exposées aux risques que les conflits font peser sur les opérations de l’aviation civile en matière de sûreté et de sécurité.

Depuis la destruction de l’aéronef effectuant le vol PS752 d’Ukraine International Airlines près de Téhéran (Iran), le 8 janvier 2020, le Canada et ses partenaires internationaux ont déployé des efforts à l’échelle nationale et internationale pour améliorer la sûreté et la sécurité des voyages aériens internationaux en s’attaquant aux lacunes relatives à la manière dont le secteur de l’aviation civile tient compte des zones de conflit.

Au Canada, Transports Canada a créé un bureau d’information sur les zones de conflit (BIZC), qui surveille et évalue les situations de zones de conflit qui pourraient représenter un risque pour les opérations de l’aviation civile canadienne. Lorsqu’il perçoit ou qu’il estime qu’un État responsable de la gestion de son espace aérien n’atténue pas raisonnablement les risques pesant sur l’aviation commerciale, Transports Canada peut rapidement publier un avis concernant l’espace aérien d’une zone à risque; ces avis peuvent fournir de l’information, une recommandation, ou annoncer une prohibition. Ces avis s’appliquent aux exploitants aériens et propriétaires canadiens d’aéronefs immatriculés au Canada. Comme les exploitants aériens sont tenus d’effectuer leur propre évaluation des risques et de prendre leurs propres décisions opérationnelles, y compris les décisions relatives à la planification et à l’itinéraire des vols, le contenu des avis est censé éclairer leur prise de décision opérationnelle. Le 10 janvier 2020, le Canada a transmis un avis aux exploitants aériens canadiens pour leur conseiller d’éviter l’espace aérien de l’Iran. Cet avis est toujours en vigueur. Le Canada surveille la situation en Iran régulièrement, et toutes les mises à jour pertinentes sont transmises aux exploitants aériens canadiens afin de s’assurer que ces derniers tiennent compte des risques encourus au moment de planifier leurs itinéraires de vol.

À l’échelle internationale, grâce à l’Initiative sur la sécurité aérienne – une initiative internationale conçue et dirigée par le Canada – le Canada collabore avec des experts de différents pays, des organismes internationaux, l’industrie de l’aviation civile et l’OACI pour ouvrir la voie et améliorer le niveau de sécurité et de sûreté pour les compagnies aériennes commerciales qui survolent des zones à haut risque, et pour prévenir d’autres tragédies.

Chaque État est souverain dans son espace aérien. Toutefois, il a aussi l’obligation d’atténuer les risques pour les transporteurs commerciaux nationaux et étrangers qui survolent cet espace aérien. Grâce à l’Initiative sur la sécurité aérienne, les pays peuvent collaborer pour échanger des renseignements, des conseils, des avertissements et des pratiques exemplaires afin de bien identifier les zones de conflit et de mieux gérer les risques pour l’aviation civile. L’initiative vise à élaborer de meilleures évaluations des risques, des mesures de protection efficaces et une responsabilisation claire pour les transporteurs et les autorités qui gèrent l’espace aérien. Une approche unifiée adoptée par une coalition de pays partageant les mêmes valeurs permettrait de prendre des mesures immédiates afin d’empêcher les transporteurs nationaux de survoler ou d’approcher les zones de conflit. Pour soutenir cette initiative, en décembre 2020, Transports Canada a accueilli le premier forum sur la sécurité aérienne dans le but de promouvoir et de partager de meilleures pratiques concernant la gestion de l’espace aérien près ou au-dessus des zones de conflit. Quatre-vingt-sept pays ont pris part au forum.

Q5 : Quelles mesures le Canada a-t-il prises pour améliorer la façon dont les enquêtes portant sur la destruction d’aéronefs seront gérées dans le futur?

Le Canada a évalué en profondeur des options qui permettraient de traiter les problèmes de conflit d’intérêts qui surviennent lorsqu’un État admet son implication ou lorsqu’il existe une preuve crédible pour suggérer son implication dans la destruction d’un aéronef. Cette évaluation a inclus la prise en considération d’options impliquant des modifications à la Convention de Chicago et à l’annexe 13 de l’OACI.

Le Canada pense que le fait de modifier l’annexe 13 en vue d’y intégrer certaines procédures permettant de traiter les problèmes de conflit d’intérêts liés aux enquêtes de sécurité menées dans de telles conditions peut améliorer et optimiser la confiance vis-à-vis de l’enquête et des recommandations associées. Une telle modification améliorera la qualité et l’utilisation des enquêtes et des recommandations connexes, ce qui contribuera à améliorer la prévention des accidents, l’objectif fondamental de l’annexe 13.

Le Canada est sur le point de déployer une stratégie pangouvernementale coordonnée en vue d’atteindre une grande variété d’objectifs liés au vol PS752 à l’échelle mondiale, y compris une refonte de l’annexe 13.(Supprimer AIPRP)

Q6 : La destruction du vol 752 constitue-t-elle une violation des droits humains des personnes qui étaient présentes à bord?

L’AMC doit répondre